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En RDC: Etre séropositif mais en bonne santé, c’est possible
Par Evelyne Luyelo
Je m’appelle Arthur Apanda. Je suis un Congolais vivant en République Démocratique du Congo. J’ai 64 ans. Je suis veuf depuis 10 ans. Je connais ma séropositivité depuis maintenant sept ans. Mon histoire est vraie. J’ai appris mon état trois ans après la mort de mon épouse Anne Ekula.
Un jour, pendant que je cherchais un document dans les affaires de ma défunte femme, j’ai trouvé son dossier médical. C’est alors que j’ai découvert qu’elle était séropositive. J’ai pleuré tant j’avais mal. Je ne pouvais pas comprendre qu’elle n’ait jamais partagé ce secret avec moi alors que moi, je lui racontais tout.
C’est alors que j’ai décidé de me faire dépister, ainsi que nos trois enfants. Les tests des deux derniers enfants se sont avérés positifs. Et, moi également, j’étais infecté. Je ne saurai jamais qui, de ma femme ou de moi a contaminé l’autre. Quand ma famille l’a appris, elle nous a rejetés et nous avons subi la discrimination de plein fouet. Ce qui me rendait le plus triste, c’est qu’ils ne nous rendaient plus visite, Á croire que nous étions des pestiférés. Ils refusaient même que mes enfants aillent les voir.
J’ai dÁ» supporter tout cela. Etant père de famille, il était de mon devoir de soutenir les filles, de les aider Á supporter ce qui leur arrivait et être constamment Á leurs côtés pour qu’elles finissent un jour par accepter leur situation.
Afin d’éviter Á d’autres le même sort que nous, j’ai créé en 2001, l’association des personnes vivant avec le virus, APSI+, dont j’assume la présidence. Notre objectif est de récupérer les personnes séropositives pour les inciter Á sortir de la clandestinité, leur faire voir que l’infection au VIH/SIDA n’est pas une fatalité. Mais que c’est une maladie chronique comme le diabète et bien d’autres maladies chroniques. Je voulais les aider Á mener une vie positive en suivant leurs traitements Á la lettre.
Pour cela, nous leur demandons de respecter la prise quotidienne des médicaments et d’agir comme une barrière solide entre les personnes saines et la maladie. Notre message est le suivant: ils ne doivent pas chercher Á infecter tout le monde mais qu’ils se disent que le Sida doit s’arrêter avec eux. Si chaque personne malade du Sida agit ainsi, nous pourrons espérer avoir un avenir sans Sida dans notre pays et dans le monde entier.
Nous sensibilisons ceux qui sont sains pour qu’ils ne prennent pas de risques. Nous organisons des campagnes de sensibilisation en allant témoigner Á visage découvert dans les églises, les marchés, des lieux publics et même Á la télé. Depuis que faisons cette sensibilisation, quelques membres de ma famille ont commencé Á nous accepter.
Je dois remercier l’organisation non-gouvernementale Médecins Sans Frontières de Belgique qui nous envoie des antirétroviraux qui nous permettent de rester en vie. Etant donné qu’il faut bien s’alimenter lorsqu’on prend ces médicaments, nous conseillons Á tous nos membres de s’engager dans une activité génératrice de revenus pour qu’ils puissent se prendre en charge Á tous les niveaux, surtout qu’en 2003, il y a eu rupture dans la prise en charge alimentaire du Programme Alimentaire Mondial en RDC.
En janvier 2009, l’APSI+ a pu, grâce Á l’aide financière du Programme des Nations Unies pour le Développement, créé un point de vente d’aliments frais sur l’avenue Lowa, prés du marché central de Kinshasa, capitale de la RDC. Ce petit commerce est entièrement géré par des Personnes Vivant avec le Virus (PVVIH). Avec les bénéfices, nous avons ouvert un compte courant Á la coopérative d’épargne qui nous permet d’octroyer mensuellement un petit crédit aux membres qui en ont besoin. Et chaque semaine, nous cotisons un petit montant pour nous entre-aider Á l’interne.
Je vis bien. Je mène une vie positive. Je sais que je vivrai longtemps car je suis en très bonne santé et que je fais tout pour le rester. De plus, comme j’ai accepté mon état, je suis en paix avec moi-même.
Je conseille aux PVVIH qui se cachent, en particulier les hommes qui ne veulent pas sortir de la clandestinité, de ne pas hésiter Á se dévoiler et Á mener une vie positive. Á€ ceux qui ne connaissent pas encore leur état sérologique, je leur demande de se comporter en personnes responsables en allant se faire dépister et d’utiliser systématiquement le préservatif. Aux couples mariés, je recommande la fidélité car beaucoup de malades se cachent.
Les PVVIH ont un rôle primordial Á jouer : ils doivent se dire qu’être séropositifs, ce n’est pas la fin monde et qu’ils doivent protéger la communauté. Grâce Á la loi portant protection aux droits et aux devoirs des PVVIH votée par les autorités, la perception Á notre égard commence Á changer. Et c’est tant mieux ainsi.
Evelyne Luyelo est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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