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En RDC: la sécurité aérienne est entre les mains de ‘Maman Godé’
Par Cathy Lisongo
Ce n’est pas une femme comme les autres. Elle est contrôleuse ou aiguilleuse du ciel Á la tour de contrôle de l’aéroport international de Ndjili en République Démocratique du Congo.
Cette année, elle compte 26 ans de service Á la régie des voies aériennes, compagnie nationale qui s’occupe de tous les déplacements dans l’espace aérien congolais, ainsi que la réparation des appareils volants. Elle, c’est Godelieve Pezo, appelée affectueusement maman Godé.
“Depuis toute petite, j’ambitionnais de devenir pilote ou de faire un métier ayant trait Á l’aérien et j’ai donc tout fait pour y parvenir. Ainsi, après mes six années d’études secondaires dans la province du KIVU, je suis arrivée dans la capitale Kinshasa. J’avais alors une vingtaine d’années. J’ai opté directement pour l’Institut Supérieur des Techniques Appliquées (ISTA), institution d’enseignement qui forme les ingénieurs et les techniciens dans le domaine de l’électronique, de l’électromécanique et de l’électricité. Une fois lÁ , je me suis inscrite Á la section Aviation”, confie cette sexagénaire mariée Á un gestionnaire des hôpitaux et mère de six enfants.
Lorsqu’on lui demande comment elle est parvenue Á travailler au sein d’une entreprise employant des techniciens hommes en grande majorité, Maman Godé déclare qu’après un exercice de recrutement et trois mois d’apprentissage au centre, elle a réussi les examens menant Á toutes les qualifications et elle a été embauchée Á la Régie des Voies Aériennes (RVA).
“Dans notre métier, la parité hommes/femmes n’est pas respectée puisqu’il n’y a pas beaucoup des femmes dans ce domaine. La seule condition pour être contrôleur aérien, c’est d’obtenir 70% ou plus de points Á tous les examens, que ce soit l’examen d’entrée Á la RVA, Á l’examen de qualification, Á celui de vol Á vue, Á l’épreuve de vol en se basant uniquement sur les instruments, Á l’examen de vol dans l’espace aérien de contrôle régional. J’ai obtenu 70% de points dans toutes ces épreuves ».
Au début, ses parents ne voulaient pas qu’elle poursuive de telles études. «Mon père me disait toujours: tu es une femme. Tu dois te marier et mettre des enfants au monde. LÁ , tu vas te mettre Á voler tous les jours et ce n’est pas bien. Il te faut choisir un autre métier. Mais moi, je rétorquais toujours: Dieu m’aidera et avec mon courage et ma détermination, je réussirai. J’ai persisté et aujourd’hui, Dieu merci, le destin m’a donné raison ».
Bien qu’elle ait réussi ses études, Maman Godé n’est pas devenue pilote mais aiguilleuse du ciel. Bien qu’elle adore ce métier, elle avoue qu’il est stressant. «Je dois assurer la sécurité de l’appareil qui est dans les airs, de même que celle des personnes qui se trouvent Á son bord. Il me faut guider le pilote et intervenir chaque fois par des indications précises lorsqu’il se trouve dans une situation de détresse. Si je donne de mauvaises indications, ce sont de centaines de personnes qui perdront la vie en une seconde ».
Maman Godé n’a aucun mal Á allier ses horaires de travail Á sa vie personnelle. “J’ai des horaires de travail qui me permettent de mener mon ménage parfaitement. Un jour, je travaille le matin, un jour la nuit et j’ai deux jours de repos par semaine”.
Actuellement, en sus de Maman Godé, il y a une autre femme aiguilleuse du ciel. Les contrôleurs aériens sont eux dénombrés Á dix. Elle garde de nombreux bons souvenirs associés Á ce métier, notamment un séjour en Afrique du Sud et au Congo Brazzaville pour des formations appropriées dans son domaine d’expertise.
Récemment, elle a complété une formation en anglais. Elle ne se plaint pas de ses salaires qui sont supérieurs Á ceux de nombreux Congolais mais qui ne sont pas extraordinaires tout de même. Mais la plus grande satisfaction de Maman Godé est d’avoir réussi Á orienter sa fille cadette vers le même domaine qu’elle. «Joëlle est âgée de 19 ans et en Á sa deuxième année de graduat/aviation Á l’ISTA. Cette année, elle s’est classée deuxième de sa classe. Joëlle se distingue parmi les garçons. Je suis toujours derrière elle Á la motiver et comme je maîtrise déjÁ bon nombre de choses techniques, je lui explique les cours et je l’encadre comme il faut. Je la pousse Á devenir aiguilleuse du ciel comme mais elle me parle de plus en plus de se faire pilote. Mon intention n’est pas de la façonner Á mon image. J’ai pu faire mon choix. Je la laisse faire le sien ». Telle mère, telle fille…
Cathy Lisongo est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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