Etablissements publics malgaches: Au moins, ils profitent Á  la population!


Date: May 24, 2010
  • SHARE:

Ce manque de logements sociaux affecte les plus démunis, naturellement, mais également les gens de la classe moyenne, qui souffrent de ne pas savoir ce que c’est qu’un logement décent, voire sain. Madagascar n’est pas une exception Á  cette règle.

En prévision de la troisième édition des Jeux des Iles de l’Océan Indien en 1990, le gouvernement de la Grande Ile avait élaboré, dans les années 80, un grand chantier de construction de logements spéciaux pour accueillir les athlètes et les délégations des îles voisines. Une fois les jeux clôturés, les villas ont été dévastées et pillées. La population a fait montre de son mécontentement face Á  ces logements inhabités alors qu’elle en avait cruellement besoin.

Pendant les émeutes de 2009, plusieurs entreprises ont été incendiées. «J’ai perdu mon emploi. J’ai une femme et trois enfants encore en bas âge Á  nourrir. Notre propriétaire n’a pas voulu attendre que ma femme et moi ayons trouvé un travail. En deux temps, trois mouvements, nous étions Á  la rue. En cherchant un boulot, je suis tombé sur cet établissement en ruine. Nous y avons établi notre quartier général », raconte Maurice qui n’est pas très fier de squatter ainsi un bien de l’Etat mais la seule chose qui le rassure, c’est que sa famille ait désormais un toit sur la tête après deux semaines d’errance. « Cela fait maintenant six mois que nous sommes lÁ . Nous avons élu domicile dans un endroit qui n’est pas Á  nous. Un logement sans loyer Á  payer, c’est une aubaine. »

Si l’on regarde aujourd’hui ce qui se passe dans des établissements comme les écoles, les hôpitaux et les bureaux administratifs publics, il est possible de savoir qui les occupe. Si des salles de classe restent inutilisées pendant une année scolaire ou des salles d’hôpital inoccupées pendant un certain temps, elles ne le resteront que pour un court délai. Connaître le gardien de l’école, être de la famille du concierge d’un autre, suffit pour disposer de la clé et y élire domicile. «En fait, nous sommes de la famille du gardien », avoue cette femme d’une quarantaine d’années. «Ma fille a trouvé un travail en tant que vendeuse dans un supermarché. Et nous sommes venus ici, mon mari et moi, pour qu’elle ne soit pas seule, d’autant plus que le gardien qui est mon beau-frère, nous a assurés qu’il avait un toit pour nous. » Et voilÁ , c’est aussi simple que cela!

Faut-il réellement blâmer ces familles? Un établissement public ne veut-il pas dire un établissement bâti pour répondre aux besoins de la masse populaire, dont une habitation gratuite et sécurisée?

On se fâche pour des cas isolés certes lorsqu’on entend appeler Madagascar le «pays du moramora » (pays de la facilité), et pourtant cette appellation est justifiée. Tout s’obtient facilement Á  Madagascar pourvu que l’on connaisse la bonne personne. Une famille a besoin d’un toit, il suffit d’approcher un «responsable » pour l’avoir au sein d’une école abandonnée. Une autre s’est fait déposséder de sa maison de fortune après une catastrophe naturelle ? Trouver refuge dans un autre bâtiment public est la solution Á  son errance. Une maison propre, équipée d’installations pratiques pour la vie quotidienne et implantée dans un quartier correct, tout le contraire du ghetto ville et bien distinct des maisons en papier ou en plastique, c’est faisable.

Est-ce la faute de ces familles si elles peuvent utiliser ces bâtiments qui ont perdu leur utilité première? Si ces établissements ne peuvent pas justifier leur mission d’origine qui est d’accueillir les enfants malagasy, soigner les malades ou s’occuper des papiers administratifs de la population, ne répondent-ils pas d’une façon ou d’une autre aux attentes et aux besoins de la population en lui servant de lieu d’habitation ?

Les autorités compétentes ne se sont pas encore plaintes de ces occupations clandestines. Est-ce Á  dire qu’elles l’approuvent? La crise est née depuis que l’harmonie politique n’est plus. On entend rouspéter sur la hausse du prix des produits de première nécessité mais jamais Á  propos des lieux d’habitation existants où pourraient se rendre ces gens qui ont perdu leur emploi et les avantages afférents. Pourrait-on en déduire que ceux qui se taisent se sont déjÁ  servis d’un quelconque bâtiment public ?

Le problème du logement et de l’habitation figure parmi les priorités de la population malagasy. En tout cas, cela ne devrait pas demander plus d’investissement qu’il ne le faudrait car la population malagasy sait s’en procurer un, Á  sa convenance, gratuite, bien sécurisée, presque … «légale » mais surtout dépourvue de l’obligation de s’acquitter de taxes et de charges obligatoires (contrat de bail en bonne et due forme, loyer, eau et électricité …).

Le problème existe également au niveau des étudiants des provinces qui viennent poursuivre leurs études dans la capitale. La famille vient s’installer au frais de l’Etat dans un studio- avec eau et électricité- apte Á  ne recevoir que deux personnes, tout au plus. Mais ils s’y retrouvent plus nombreux. Le centre universitaire d’Ankatso est méconnaissable Á  l’heure actuelle. Les opérateurs de tous horizons y ont trouvé pignon sur rue. On y trouve des dépôts de médicaments, des quincailleries et épiceries, sans parler des gargotes qui aident beaucoup les étudiants.

«On n’a pas beaucoup de temps pour cuisiner », explique AÁ¯cha, étudiante de la province du nord de l’île. «Puisque ce sont nos amis qui les tiennent, ils peuvent nous faire crédit, et attendre que nous obtenions notre argent de bourse mensuelle pour les payer. » Sans doute, le pouvoir actuel est trop accaparé par les crises pour se rendre compte des problèmes sociaux. Mais au détour d’une inspection sur le terrain, la ministre de la Haute Autorité de Transition, chargé de la Population, Nadine Ramaroson, avait déclaré que la construction de logements sociaux figurait parmi ses priorités. Attendons voir la suite des évènements politiques avant de nous prononcer car il s’agit d’un projet de longue haleine.

Volana Raosoanirainy est journaliste Á  Madagascar Tribune. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


Comment on Etablissements publics malgaches: Au moins, ils profitent Á  la population!

Your email address will not be published. Required fields are marked *