La Congolaise Aminata Timamivuidi: La dame de fer


Date: November 5, 2009
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Si elle a abandonné ses autres métiers pour lesquels elle a reçu une formation, c’est tout bonnement parce que les travaux de forge paient mieux. «Je gagnais beaucoup plus dans la forge qu’en tant que sage femme. Mais, je me rappelle qu’au début, c’était dur. A l’époque, les autres femmes se moquaient de moi et me lançaient des quolibets. J’en pleurais. Mais aujourd’hui, j’ai réussi Á  scolariser mes enfants et ils ont même pu faire des études supérieures grâce aux fruits de ce travail. Aujourd’hui, ces quolibets se retournent contre celles qui les ont lancés », précise-t-elle.

Avec une émotion quasi-mystique, elle explique comment elle a fait son entrée dans ce métier généralement réservé aux hommes, jusqu’Á  se hisser au rang d’artisan reconnu. «Je vais vous dire la vérité. L’habitude d’être entourée d’hommes, de les avoir souvent côtoyés m’a décomplexée. C’est d’un ami, Papa Manika, que j’ai appris ce métier. Il m’a fourni le capital initial et équipé en outils. Et, c’était pour moi un départ déterminant dans ce secteur spécifique. »

Aminata Timamivuidi a relevé bien des défis pour arriver Á  tenir sa forge. Commencée par elle uniquement, sa forge tourne actuellement avec sept personnes: deux femmes dont elle, et cinq hommes. Elle travaille le fer, le bronze, l’aluminium et l’acier. Elle et son équipe façonnent ces métaux pour en fabriquer des marmites, des sculptures, des cendriers, des pièces de mécanique, pour ne citer que ceux-lÁ .

Il faut reconnaître que cette «dame de fer » a fait ses preuves et que ses produits sont très prisés. Mais par ailleurs, le renforcement de ses capacités managériales aurait pu propulser beaucoup plus loin sa petite entreprise et la transformer en entreprise rentable solide.

Aujourd’hui, Aminata Timamivuidi ne touche au four et aux métaux que de façon ponctuelle. Grâce Á  sa main d’Å“uvre, elle a pris un peu de repos et se contente de superviser le travail Á  la chaîne au sein de son atelier. Dans sa forge, elle produit environ 30 Á  40 marmites par jour, explique-t-elle. Pour produire 12 marmites, il lui faut acheter 48 kilos de métaux. De ces 12 marmites, dix seront écoulées sur le marché. Les deux marmites restantes constituent donc la rémunération du fabricant qui s’est chargé du moulage.

Elle vend les dix marmites Á  un prix total de 35 000 francs congolais, soit l’équivalent de 41 dollars américains alors qu’elle a dépensé 18 000 francs congolais, l’équivalent de 21 dollars américains, qui est le prix d’achat des matières premières recyclables. Son bénéfice est d’environ 17 000 francs congolais, soit l’équivalent de 20 dollars américains.

Son atelier produit différentes gammes de marmites portant des noms évocateurs tels que «Gemena » et «Turbo ». Le volume que la plus grande marmite peut contenir est dix litres. Ces produits de la forge d’Aminata Timamivuidi sont directement écoulés en gros chez les revendeurs du marché central de Kinshasa.

Quant aux sculptures, explique Aminata Timamivuidi, la production dépend des commandes des revendeurs. Ceux-ci sont généralement établis au marché d’art de la Gare centrale. Leurs prix varient selon l’appréciation de l’Å“uvre et la quantité de métaux entrant dans leur fabrication. Il en est de même pour les pièces mécaniques.

Abordant la question de la gestion de son atelier, Aminata Timamivuidi déclare qu’elle rétribue ses travailleurs Á  la journée ou selon les services rendus. Elle ne tient cependant pas de livres de comptes. Souvent, ses travailleurs font appel Á  elle en cas de force majeure tels que la maladie, un décès soudain, le paiement du loyer, des frais scolaires etc. Et elle les aide.

Aminata Timamivuidi déplore le manque de soutien et d’encadrement de la part des autorités au secteur des petites et moyennes entreprises. Elle pense qu’un financement d’environ 1000 dollars américains lui aurait permis de moderniser sa forge. Ce fond remboursable lui permettrait notamment de faire face aux coupures intempestives de la fourniture électrique. Elle croit qu’une personne pouvant utilement l’orienter vers une institution bancaire lui fournirait une chance de moderniser son travail et de multiplier son rendement.

Cette forgeronne lance un appel aux femmes désÅ“uvrées pour qu’elles se démarquent des préjugés sur les métiers dits «d’hommes » ou «masculins ». Aux filles et aux garçons qui sont au chômage, elle les invite Á  venir découvrir sa forge-atelier. Elle se dit même prête Á  leur dispenser une formation gratuite.

Patou Kanzi est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.


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