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La femme malgache peut être un facteur de développement
Par Tatiana Rajaonarison
A Madagascar, malgré qu’il y ait un flot de médecins sortant de la faculté de médecine de l’université d’Antananarivo, le manque de médecins dans les zones les plus reculées du pays se fait sentir.
En effet, ces praticiens évitent autant que possible d’aller dans des zones enclavées Á cause de la pauvreté des infrastructures. En effet, nombreux sont les centres de santé peu accessibles qui nécessitent des déplacements de plusieurs kilomètres. H. Rasoanirina. est une femme de médecin qui, malgré sa position d’épouse, a pu contribuer au développement d’une campagne très isolée dans le sud-est de Madagascar.
Elle a fait ses études de lettres Á l’université d’Antananarivo. Au moment où elle préparait sa licence, son mari a été recruté comme médecin dans la Fonction publique. L’Etat lui a attribué une place dans une des communes d’Andonabe, située dans le district de Mananjary, au sud-est de Madagascar.
En apprenant la nouvelle, son mari a hésité Á lui en parler. Il allait refuser le poste en pensant Á tous les bouleversements que cette nomination susciterait. Cette mutation obligerait sa femme Á interrompre ses études, sans parler de la peur de l’inconnu, car c’était la première fois qu’il entendait parler de cette commune.
Au début, il a pensé laisser sa femme dans la capitale afin qu’elle termine ses études. Il partirait seul dans ce village inconnu. Puis, l’incertitude des lendemains le faisait hésiter. Après quelques jours de réflexion, il a décidé d’annoncer la nouvelle Á sa femme. A sa grande surprise, elle n’a eu aucune hésitation. Elle a accepté d’abandonner ses études pour le suivre.
Ils sont partis en emmenant le strict minimum avec eux. Après un voyage de 12 heures en camion ils sont finalement arrivés dans le village d’Andonabe et de lÁ , il leur a fallu faire un trajet de cinq kilomètres Á pied sur une route secondaire.
Ayant appris qu’un médecin allait venir s’installer dans le village, les villageois ont été Á leur rencontre, portant leurs maigres bagages. Après ce premier contact, le couple s’est senti en sécurité car beaucoup de gens leur ont témoigné de la gentillesse.
Dès le lendemain de leur arrivée, son mari a reçu en consultation une soixantaine de malades. Et il en a été ainsi chaque jour. En voyant Á quel point son mari était fatigué, H. Rasoanirina lui a proposé son aide. Touché par la proposition, il a accepté et lui a appris comment faire un pansement, une injection et comment l’assister en cas d’accouchement. Cette aide lui a été précieuse car au lieu de passer toute la journée dans le dispensaire, il a pu jouir de quelques moments de détente.
Au début, H. Rasoanirina a eu du mal Á communiquer avec les villageois. Elle devait recourir Á un interprète maîtrisant le malagasy et le dialecte Tanala. Mais au fil du temps et de leurs tentatives de communication, elle a pu apprendre leur langue en deux mois. La disparition de la barrière de langue lui a permis d’être proche des gens qui n’hésitaient pas Á lui demander conseil sur la santé et sur la vie en général. Il est même arrivé que des villageoises se confient Á elle plutôt qu’Á son mari pour leurs problèmes intimes. Cette complicité ne s’est pas arrêtée lÁ car les gens l’invitaient chez eux pour boire un café ou manger un morceau. Bien entendu, elle retournait les invitations, leur ouvrant sa porte.
En allant chez ces gens, elle a remarqué que leur alimentation ne contenait aucun élément nutritif. C’était seulement des féculents. Ils mangeaient du riz sans aucun accompagnement ou du manioc qu’ils assaisonnaient avec du sel. Parfois, le menu comprenait des patates douces, des feuilles de manioc et des feuilles de patates douces et du fruit Á pain. Et aux bébés, ils donnaient de la poudre de banane plantin.
En constatant cela, elle a décidé de réunir quelques femmes pour leur apprendre comment avoir une alimentation saine. Elle leur a appris Á intégrer différents légumes comme la carotte, le concombre, la pomme de terre ou encore le poireau dans leurs assiettes. C’était Á chaque fois une découverte pour ces femmes car le goÁ»t des aliments et les différentes recettes qu’elles pouvaient réaliser Á partir de ces produits du terroir dépassaient leur imagination.
En constatant ce désir des femmes d’améliorer leur alimentation, H. Rasoanirina a eu l’idée de réunir quelques autres femmes pour voir si elles voulaient créer une coopérative qui s’occuperait de planter différents légumes. La première fois qu’elle l’a annoncé aux villageoises, certaines ont ri car elles n’y croyaient pas. Il y en avait qui n’avait jamais planté des légumes. Elles pensaient que les semences ne pousseraient pas.
Mais il y avait quelques femmes qui ont accepté d’essayer et ont prêté leurs terres. H. Rasoanirina a demandé Á sa famille vivant dans la capitale de lui envoyer des semences et des graines. Il ne leur a pas fallu longtemps pour voir le fruit de leur travail. Après quelques mois, elles ont pu cueillir des brèdes et des tomates. D’autres types de légumes ont suivi. Les carottes ne ressemblaient pas aux carottes vendues sur les marchés. Elles étaient de taille plus petite mais au moins, ces femmes pouvaient en manger en quantité suffisante.
En voyant le résultat de ce travail, de nombreuses femmes ont adhéré Á la coopérative et même celles qui venaient de loin, ont cherché conseil auprès de H. Rasoanirina. Cette coopérative a non seulement aidé les villageoises mais aussi toutes leurs familles car le nombre de cas de malnutrition a considérablement baissé.
Et bien vite, ces femmes ne se sont plus contentées plus de faire la cueillette des légumes comme auparavant. Elles plantent elles-mêmes les semences. Même si H. Rasoanirina a dÁ» suivre son mari lorsque celui-ci a été muté ailleurs, les villageois ne l’ont pas oubliée et ont tout fait pour que la coopérative prospère car elles ne font plus seulement de la culture de légumes, elles font aussi de la vannerie. Et il y a des marchands qui viennent pour acheter et écouler leurs produits sur d’autres marchés.
Sans s’en rendre compte, H. Rasoanirina a renforcé les capacités d’un groupe de femmes qui sont aujourd’hui devenues financièrement autonomes…
Tatiana Rajaonarison est journaliste Á Madagascar Tribune. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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