La prise en charge des PVVIH : mission très difficile en RDC


Date: January 1, 1970
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A Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, c’est une honte pour une famille d’avoir un séropositif en son sein. Cette famille-là  craint d’être rejetée et d’être dénigrée par la communauté. Ce qui ne facilite pas toujours le travail des assistants sociaux qui veulent pourtant bien jouer leur rôle.
Nous avons suivi une de ces familles qui appréhende qu’un jour la communauté qui les entoure, connaisse l’état sérologique de deux des leurs. Car lors du décès d’une des filles de la famille, les voisins avaient déjà des soupçons sur la cause de sa mort. Cette famille réside dans une des banlieues de Kinshasa.  C’est Sandrine, la sœur de la défunte, qui s’occupe de ses neveux, sans que la famille  élargie ne soit au courant de leur état sérologique. Ces deux enfants qui ont moins de 11 ans, sont accompagnés par une assistante sociale.
«Avant de révéler quoi que ce soit au reste de la famille, nous avons décidé d’attendre la confirmation du résultat auprès du centre de dépistage car la situation sanitaire des enfants se détériorait de jour en jour. Mais c’était aussi pour ne pas ébruiter l’affaire. Personne ne doit être au courant. C’est aussi une des raisons pour lesquelles nous avons dû déplacer les enfants  vers une autre commune», explique Sandrine.
C’est grâce  à Maguy Mfumu, assistante sociale et amie de  la sœur à Sandrine, que la famille  a accepté, à contre cœur,  de faire les deux enfants se soumettre à un test de dépistage. Et lorsque les résultats de confirmation sont arrivés, cela a été le choc.
Aujourd’hui et grâce à l’assistante sociale, la famille voit une amélioration de l’état de santé de ces enfants qui sont sous traitement d’antirétroviraux. Mais le suivi de la maladie est parfois un handicap à leurs activités quotidiennes et à celui de leur tante.  
Sandrine, qui est encore étudiante,  avoue avec tristesse, qu’il n’est pas toujours facile pour elle de combiner études et soins à ses neveux qu’elle doit régulièrement accompagner au centre de traitement ambulatoire.
«Tous les quinze jours, je dois le faire. Et compte tenu de la distance entre leur domicile et le centre de soins, je rate mes cours. A tel point que j’avais pris la décision d’interrompre mes études pour m’occuper d’eux. Mais mon frère a décidé de me venir en aide. Désormais, nous nous partageons les tâches selon nos disponibilités», ajoute-t-elle.
Pour le moment, Sandrine croit en la possibilité d’une vie prolongée pour ses neveux, à condition qu’ils respectent leurs traitements et suivent les conseils des médecins et des assistants sociaux, dont ceux de Maguy Mfumu.
 «Etant donné qu’à Kinshasa, le VIH/SIDA n’est pas toujours perçu  comme n’importe quelle autre maladie chronique, il est difficile pour les assistants sociaux de jouer leur rôle », déclare-t-elle.
Maguy  Mfumu est elle-même une PVVIH. Et donc, elle sait de quoi elle parle.  Elle évolue au sein de l’Organisation des Jeunes pour la lutte contre le VIH/SIDA (O.J.V.S). Tous les membres de cette organisation sont des personnes séropositives et elles encadrent des jeunes séropositifs et des orphelins de cette maladie.  Face aux mesquineries de la société vis-à-vis des PVVIH,  en l’occurrence le rejet pur et simple,  cette structure joue un rôle de garde-fou pour les enfants maltraités et abandonnés par leurs familles et hébergent ceux qui sont dans un état critique. «Certains enfants vivant avec le virus sont accusés à tort de sorcellerie. Ils sont souvent privés de l’affection parentale et de nourriture car ces jeûnes forcés sont censés chasser les mauvais esprits. Alors vu leur état sérologique, ces enfants ne peuvent rester sans alimentation. Ils doivent bénéficier d’une prise en charge médicale intensive», raconte Maguy Mfumu. 
Selon elle, la prise en charge totale des PVVIH n’est pas facile car en sus du regard accusateur des autres quand le statut sérologique d’une personne est su, le malade a du mal à trouver l’argent pour palier aux effets secondaires des antirétroviraux, notamment des troubles nerveux. L’Etat congolais devrait s’en charger du fait qu’il a signé le protocole de la Communauté pour le Développement de l’Afrique australe (SADC) sur le genre et le développement. Protocole qui stipule dans son article 27, alinéa 1, que «les Etats parties devraient suivre les étapes nécessaires pour adopter et mettre en place des législations en matière de  prévention, de traitements, de soins et d’assistance telles que prévus par la Déclaration de Maseru ». 
Maguy Mfumu se plaint des conditions précaires dans lesquelles vivent les malades. Grâce aux fonds donnés par certaines organisations, l’O.J.V.S essaye d’initier des activités génératrices de revenus pour ses membres. «Comme la plupart de nos membres sont au chômage, nous les avons mis en groupes de dix selon leur lieu d’habitation et nous les avons encouragés à tenir de petits commerces pour ne pas être totalement dépendants de leurs familles respectives», explique-t-elle.
Mais malgré toutes ces actions positives, la prise en charge psycho-sociale des PVVIH à Kinshasa demeure difficile. A ces facteurs décourageants s’ajoute celui de la non-application d’une législation qui leur est favorable, soit la Loi sur la Protection des Personnes Vivant avec le VIH/SIDA. Comme quoi, le combat pour leur réintégration sociale est loin d’être gagné.
 
Clarisse Ekoko est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.                                                      


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