La vente d’épices permet Á  la Congolaise Elisée de survivre


Date: June 19, 2010
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Les femmes surtout, ne veulent pas être Á  la merci des hommes qui attendent que tombe irrégulièrement un salaire de misère. Pour ne pas être prisonnière de la faim, elles vendent un peu de tout pour faire survivre leurs familles : des beignets, des pains, des Å“ufs, des fruits et j’en passe. Elles envahissent tous les coins de rues. Si certaines vendent Á  la criée passant d’une rue Á  une autre, d’autres par contre vendent leurs produits devant leur domicile.

Elisée, qui approche de la cinquantaine, a jeté son dévolu sur la vente d’épices. Depuis plus d’une décennie, elle exerce son petit commerce devant la parcelle familiale.
Ses débuts ont été laborieux. Après avoir été renvoyée comme caissière alors qu’elle travaillait dans une entreprise vendant des matériaux de construction – licenciement qu’elle qualifie «d’abusif » -, Elisée que l’on nomme aussi ‘Maman Mapassa’ ou mère de jumeaux, s’est sentie obligée de faire quelque chose de sa vie, surtout que son ex-mari n’allait pas tarder Á  prendre sa retraite de l’Office congolais du transport.

«Après mon licenciement et la mise Á  la retraite de mon ex-mari », explique-t-elle, «j’ai décidé de ne plus travailler pour un autre employeur. Je me suis résolue Á  devenir ma propre patronne. Malheureusement, je n’avais pas assez de moyens pour créer une petite entreprise. Grâce Á  mes économies, j’ai commencé d’abord par vendre de la farine de manioc et de maÁ¯s ».

Ayant constaté que la vente des épices rapportait également, Elisée a décidé d’en vendre aussi. Ce commerce lui a permis de non seulement nourrir sa famille mais aussi de payer les études de ses trois enfants, la plus âgée ayant déjÁ  terminé ses études supérieures.

«Ma fille ainée, qui a 35 ans, est diplômée en sciences économiques Á  l’Université de Kinshasa. En plus, elle est mariée et mère d’une jolie petite fille. Elle me soutient financièrement de temps en temps, surtout quand mon commerce ne tourne pas comme il faut », confie-t-elle en souriant.

Même s’il y a des jours avec et des jours sans, ‘Maman Mapassa’ n’est pas prête Á  abandonner son petit commerce. Au contraire, elle envisage de devenir fournisseur d’épices. Mais hélas, ce rêve est encore loin de pouvoir se concrétiser car elle vit sur la parcelle familiale. «Et je suis l’ainée d’une fratrie de 11 enfants. En ma qualité d’ainée d’une grande famille, j’ai la responsabilité d’aider mes neveux et nièces dont les parents ne sont pas toujours en mesure de les envoyer Á  l’école. D’ailleurs, une de mes nièces, qui a 10 ans, a été contrainte d’arrêter ses études faute de moyens financiers, » regrette-t-elle.

Pour approvisionner son petit commerce, ‘Maman Mapassa’ a deux sites de prédilection. Très tôt le matin, elle se rend au Beach Baramoto de Kingabwa , situé dans la commune de Limete, où elle achète de la farine de manioc et de maÁ¯s. Pour les épices, elle se rend au marché « Somba Zikida », dans la commune de Kinshasa.

A force d’aller acheter ses marchandises dans ces endroits, ‘Maman Mapassa’ s’est fait une belle clientèle. Certains grossistes lui font confiance et lui fournissent même des marchandises Á  crédit. «J’ai une cliente, Maman Chantal, auprès de qui j’achète toujours ma farine de manioc. Avec elle, la confiance s’est installée et de temps Á  autre, elle me donne des sacs de manioc Á  crédit que je revends et au bout de quelques jours, je la rembourse. Il en est de même pour mes fournisseurs d’épices. »

Cette dynamique femme ne se plaint vraiment pas. Son petit commerce installé devant la parcelle familiale est situé dans le quartier commercial de Matonge, un quartier réputé chaud de la commune de Kalamu.
Pour Elisée, commercer devant la parcelle familiale est avantageux en comparaison avec le marché qui ferme au plus tard Á  17 h. De plus, en opérant devant chez elle, elle évite les tracasseries policières. « Devant la parcelle familiale, je n’ai pas d’heure fixe pour opérer. Je peux vendre mes produits même après 21 h. Quand il en est ainsi, mes nièces me donnent un coup de main ».

Au quotidien, elle peut faire de bénéfices équivalant Á  20 dollars américains, du moins si elle n’a pas Á  dépenser pour cuisiner pas pour sa famille. N’étant pas dépensière, Elisée épargne quelques sous au quotidien. Elle a même ouvert un compte d’épargne dans l’une des banques de la ville de Kinshasa. «Ce que j’économise sur mon compte me permet de pallier aux imprévus tels que la maladie, les décès etc. D’ailleurs », poursuit-elle en hochant la tête, «c’est grâce Á  ces économies que j’ai organisé avec succès le mariage de ma fille ainée ».

Elisée, qui est aujourd’hui divorcée de son mari, ne veut pas refaire sa vie. Elle ne compte que sur son commerce, car soutient-t-elle, «je ne supporterais plus d’être sous les ordres d’un patron qui, Á  la fin du mois vous paie en rechignant ou d’un mari Á  qui j’aurais Á  donner tout mon argent. Mon commerce me suffit. C’est mon seul moyen de faire face aux besoins des miens. Autant le garder… »

Blandine Lusimana est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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