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En clair, elle veut dire que la Congolaise a su puiser en elle la force pour soutenir et ses activités commerciales et sa famille. Qu’elle est actuellement la plaque tournante de l’économie nationale.
Et c’est vrai. Les Congolaises tiennent, en effet, le coup grâce Á leur ingénieuse débrouillardise dans le secteur informel. Elles sont aussi actives dans le commerce intérieur. Elles sont dans des avions pour tenter de conquérir des marchés européens, ouest-africains et asiatiques.
Cependant, le courage et l’esprit de créativité dont plusieurs Congolaises font preuve, sont souvent annihilés par leur état d’analphabétisme qui constitue, un sérieux handicap pour le développement de leurs affaires. Et malheureusement, les femmes illettrées sont nombreuses en République Démocratique du Congo. L’Unesco fait état de 18 millions d’analphabètes en RDC, dont un grand nombre de femmes. « Ce qui place la RDC », note cette agence des Nations Unies «parmi les 35 pays où l’analphabétisme représente un danger public ».
Présidente de l’Association des femmes sages (AFSA), une organisation non-gouvernementale de développement de Kinshasa, la capitale, qui lutte contre la pauvreté, en encadrant les femmes dans leurs pratiques commerciales, Mbuku Thérèse Mboma, reconnaît que l’analphabétisme constitue «un danger permanent pour le développement de l’entreprenariat féminin en RDC dans la mesure où il est Á la base de la faillite de nombreuses activités génératrices de recettes exercées par la femme dans ce pays. »
Mbuku Thérèse Mboma explique ce taux élevé des femmes analphabètes au Congo par la tradition et la culture. «La société congolaise accorde peu de place Á la femme dans la prise de décisions. Elles sont souvent discriminées, marginalisées et leurs droits quotidiennement violés et bafoués par les hommes qui sous-estiment leur contribution dans le développement du pays. Il n’y a pas d’égalité de chances entre filles et garçons. Dans plusieurs familles, la fille accède difficilement Á l’éducation car en raison de moyens financiers limités, la famille préfère miser sur l’éducation du garçon. On considère que la jeune fille n’est destinée qu’au mariage. Et une fois mariée, elle ne profitera qu’Á son mari ».
C’est ainsi que plus de la moitié des femmes en RDC ne vont pas Á l’école, ne sont pas instruites et sont analphabètes. De l’avis des caisses d’épargne et crédits, des banques de proximité et des institutions de micro-finances (IMF) qui sont maintenant nombreuses Á Kinshasa, et qui vont au chevet d’opérateurs économiques ou d’entrepreneurs voulant développer leurs affaires, « le manque de niveau scolaire est un obstacle sérieux pour les femmes qui veulent faire des affaires. N’ayant aucune notion du calcul du prix de revient, de la marge bénéficiaire, de la rigueur dans la conduite et la gestion des affaires, elles font souvent faillite ».
Le Père Romario Gonzales, curé d’une paroisse de Kinshasa, regrette que les femmes de sa paroisse se soient engagées dans une petite activité commerciale sans avoir pris avantage du cours d’alphabétisation offert par la paroisse. «Une institution philanthropique suisse nous a fait don de 50.000 dollars américains et pour 50 femmes vivant dans l’extrême pauvreté ont emprunté chacune 1000 dollars dans le but de monter un petit business. Cet emprunt sans intérêt devait être remboursé au bout de trois mois. «Aujourd’hui, trois mois après, Á peine cinq des bénéficiaires se sont acquittées de leurs emprunts et continuent Á faire fructifier leurs petites affaires. Les autres éprouvent des difficultés de remboursement, tandis que d’autres ont carrément fait faillite. Et pourtant, Á la paroisse, nous offrons des cours d’alphabétisation mais ces femmes n’en profitent pas », regrette le Père
Gonzales.
Lui faisant écho, la présidente de l’AFSA, Mbuku Thérèse Mboma parle de son expérience en la matière : «Si nous nous étions montrées exigeantes, beaucoup des bénéficiaires de nos crédits seraient aujourd’hui en prison. Beaucoup font faillite, ne parviennent pas Á nous rembourser. Ce sont pour la plupart des femmes analphabètes que nous voulions sortir de la misère et de la pauvreté ». Malgré ces échecs, l’AFSA continue Á animer des cours d’alphabétisation en faveur des femmes car «leurs faiblesses, c’est de ne savoir ni lire, ni écrire, ni calculer », ajoute-t-elle.
Face Á l’ampleur de ce phénomène et pour pallier Á la situation, le gouvernement congolais, qui en est conscient, a mis en place un programme national d’alphabétisation comme l’explique le secrétaire général au ministère des Affaires sociales, Jean de Dieu Kaseya. L’engagement du gouvernement congolais est réduire de moitié le taux d’analphabétisme d’ici 2012.
«Avec ces 18 millions d’analphabètes, la RDC est classée parmi les pays où l’analphabétisme constitue un enjeu critique », reconnaît Jean de Dieu Kaseya. «Il est vrai que face Á ce défi, quelques réalisations ont été accomplies Á travers le pays comme par exemple la formation d’éducateurs Á travers le pays. Et ce, avec l’appui de la Banque africaine de développement (BAD). Leur sensibilisation et leur formation s’est fait au centre du rattrapage scolaire avec l’appui de l’UNICEF. »
Pour Boubakar Diara, représentant résident de l’UNESCO en RDC, encourage ce programme d’alphabétisation du gouvernement congolais: «Le temps consacré Á cette activité offre l’opportunité de rappeler l’importance de l’alphabétisation dans la vie des citoyens. Etant un droit humain et un facteur de développement, l’alphabétisation est considérée comme un facteur d’autonomisation. L’alphabétisation joue un rôle clé dans l’épanouissement de l’individu ».
Cependant, bien qu’analphabètes, les femmes comme «Maman Yedu », «Monaliza »,
«Bio-Omba » et beaucoup d’autres, sont des exemples de réussite dans les affaires Á Kinshasa. Ces femmes tiennent aujourd’hui bien en main les rênes de leurs entreprises qui sont bien cotées auprès de la Fédération des entreprises du Congo (FEC).
Maman Yedu, avec ses exploitations agricoles Á la périphérie est de Kinshasa, assure l’indépendance du ventre d’une majorité de Kinois. «Monaliza » a le monopole des produits cosmétiques. Bio-Omba peut se targuer d’habiller les Kinois. Mais celles-lÁ ne sont que les exceptions. Tout reste Á faire…
Urbain Saka-Saka Sakwe est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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— Gender Links (@GenderLinks) December 17, 2024
Comment on L’analphabétisme: un frein Á l’entreprenariat féminin en République Démocratique du Congo