L’artisanat malgache et la Coupe du Monde 2010: Des espoirs qui risquent de partir en fumée


Date: March 23, 2010
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Il semble cependant que l’espoir se soit envolé. Malgré tout, chaque secteur doit continuer Á  opérer et les enfants ignorent encore ce qu’est dormir le ventre vide. Maintenant que la Coupe d’Afrique des Nations est terminée, le monde du ballon rond attend impatiemment la Coupe du Monde qui aura lieu entre juin et juillet en Afrique du Sud. Géographiquement, de tous les pays de l’Océan Indien, la Grande Ile est le pays le plus proche de celui de Mandela et espère pouvoir tirer profit de cette proximité. Mais la population et surtout ses artisans sont-ils prêts pour capter cet éventuel marché qui leur est offert?

«Nos artisans ont toujours des articles prêts Á  être exposés ou Á  acheter immédiatement », assure René Kante, le directeur du Centre National de l’Artisanat Malagasy(CENAM) Á  Andavamamba, région au centre de la capitale. Mais pour tout vous dire, nous n’avons pas du tout pensé Á  la Coupe du Monde. Ou plutôt, nous n’avons encore rien entendu Á  propos des dispositions que le gouvernement prendrait Á  cet effet ».

Ce constat pourrait s’expliquer par plusieurs raisons. D’abord, parce que l’industrie de l’artisanat ne peut vivre sans la participation des touristes de passage. Ensuite, parce que la crise fait perdre tout espoir d’amélioration dans chaque secteur car les marchés sont presque tous inexistants. Et comme la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC) et le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) ont gelé leurs relations commerciales avec Madagascar, cela signifie que la facilitation des échanges commerciaux n’a plus de raison d’être.

Une autre explication est que le gouvernement en place sous la conduite du président de la Haute Autorité de la Transition (HAT) Andry Rajoelina, ne s’est pas prononcé jusqu’ici sur cet évènement qui mérite d’être médiatisé. Enfin, sans doute, la HAT est-elle trop accaparée par la «chose » politique pour se pencher un peu plus sur l’économie, voire le social. DéjÁ , elle amorce depuis quelques jours les préparatifs pour les élections législatives du 20 mars prochain. Un autre point non négligeable est que les artisans ont souvent la fâcheuse habitude d’attendre un geste de la part de l’Etat avant d’oser entamer une quelconque négociation.

Par contre, il existe, parmi les milliers d’artisans malgaches, répartis dans tout le pays, une partie qui a déjÁ  l’habitude de voler de ses propres ailes. Norosoa Lalao Ramaroson, spécialiste dans le travail du bois, a commencé Á  entrer dans le monde de l’artisanat malgache depuis 1985. «Je suis membre du CENAM et mon magasin expose quotidiennement dans le Centre. Cependant, j’ai pu avoir des contacts sur les marchés Á  l’étranger. Ce qui fait que j’ai l’habitude d’exporter mes Å“uvres en bois, en fibres végétales et autres Á  Maurice, Á  la Réunion, voire en France. »

D’autres artisans ont également exposé au Danemark, Finlande. En parallèle, la présidente de l’Association des Créateurs Vitasoa (ACV), Ruffine Rabenandrasana, explique qu’elle fait son maximum pour réunir les artisans et pour montrer leur savoir-faire. «Avec la collaboration du Centre, nous projetons d’organiser un grand salon Á  partir du 10 juin Á  Soarano lÁ  où se trouve la Gare de la Ville pour marquer la Journée Internationale de l’Artisanat. Ce sera également notre façon de participer au 50è anniversaire de notre Indépendance. Pour ce qui est de la Coupe de Monde de football en Afrique du Sud, c’est la première fois que nous en entendons parler par vous. Nous n’étions pas au courant. » En fait, elle n’est pas très convaincue pour cette «histoire » d’Afrique du Sud.

La vice-présidente de l’association, Berthine Razafiarimanana, souligne que si une occasion se présente pour que les artisans puissent se déplacer jusqu’en Afrique du Sud, «ce serait par groupage. Nous ne sommes pas encore suffisamment équipés pour faire cavalier seul. » En tous cas, Norosoa Lalao est prête Á  sauter le pas au cas où les dirigeants tant malgaches que sud-africains leur procurent suffisamment d’informations sur cette manifestation et sur les bénéfices que les artisans malgaches pourraient en tirer.

René Kante, dont le centre est rattaché au ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Artisanat, estime que le centre qu’il dirige est toujours prêt Á  Å“uvrer en faveur de toute stratégie de promotion. «Notre rêve, c’est de trouver des marchés, surtout en matière d’exportation. Nous déplorons en tout cas que la politique passe avant l’économie. Même en l’absence de crise, les artisans sont les parents pauvres de l’économie malgache. » Malgré ce schéma quelque peu triste pour le monde de l’artisanat, les produits de la Grande Ile sont acheminés dans le monde entier mais sans une participation directe des créateurs.

200 artisans exposent dans 48 magasins du CENAM où 12 filières sont mises en avant, en l’occurrence le bois et ses dérivés, les métaux, les pierres et la bijouterie, le textile et l’habillement, l’aménagement de l’habitat, les fibres végétales, les travaux sur divers animaux, l’agro-alimentaire et l’alimentaire général, les corps gras, la photographie, la peinture et l’art graphique, la culture et les loisirs, la micromécanique, l’électronique, l’informatique, le froid et l’électrotechnique. Mais Madagascar compte quelques deux millions d’artisans que le CENAM a formés, la plupart se trouvant dans le secteur informel.

Le directeur du CENAM ne perd pas espoir que l’artisanat malgache puisse exploser un jour. «J’ose croire que tout n’est pas perdu pour nos artisans, du moins pour la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Si Maurice pouvait nous prêter main forte, ne serait-ce par rapport aux échanges d’informations et que le ministère du Tourisme booste son département, on pourrait voir une éventuelle lueur au bout du tunnel. »

Volana Rasoanirainy est journaliste Á  Madagascar. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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