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La sexualité demeure un sujet tabou pour bien des Africains en général et des
Congolais en particulier. Il est difficile de voir un père de famille parler de la sexualité Á sa fille. Ou d’une mère d’aborder cette question avec son fils.
Le mur de la honte et du silence érigé autour de ce sujet fait que les parents congolais se sentent embarrassés de parler de sexualité Á leurs enfants. Par conséquent, par manque d’informations justes et adéquates, on assiste aujourd’hui Á
Kinshasa, capitale de la RDC Á une multiplication des filles-mères, Á des interruptions volontaires de grossesses aux séquelles désastreuses pour les jeunes filles qui y ont eu recours, Á l’abandon de bébés et d’enfants dans les rues, Á des violences sexuelles…
Eu regard Á l’ampleur que prennent ces violences sexuelles, il faut aujourd’hui briser le silence et parler de sexualité. Car, ces violences se vivent au quotidien Á Kinshasa.
Autrefois, elles étaient l’apanage d’hommes en uniformes lors des différents conflits que le pays a connus, surtout dans sa partie orientale.
Aujourd’hui, la donne sur le terrain a changé. Les violences sexuelles se passent au sein des familles et ont pris diverses formes: le papa qui commet l’inceste sur sa fille, le frère qui le fait avec sa sÅ“ur, le patron qui harcèle sexuellement sa secrétaire, le cousin qui fait des attouchements Á sa cousine, le mari qui force sa femme Á avoir des relations sexuelles avec lui alors qu’elle ne le veut pas …
Il ne se passe donc pas un jour sans que de tels exemples ne soient cités.
Mais hélas, dans ce type de violences sexuelles, les victimes préfèrent ne pas dénoncer leurs agresseurs et vivent leur traumatisme en silence.
Eu égard Á cette situation et des statistiques qui vont crescendo, il n’y a qu’une chose Á faire: «Parler de sexe et des violences sexuelles. Celles-ci tournent autour du vagin. Il faut appeler chaque chose par son nom et ne pas avoir peur d’appeler un chat un chat. Nous devons agir pour mettre fin Á ces violences. De nombreuses femmes et filles abusées ont du mal Á surmonter ce qu’elles ont vécu, » tranche Esther Ntoto, la coordonatrice nationale de V-day, organisation non-gouvernementale luttant contre les violences sexuelles faites Á la femme et aux jeunes filles.
V-day mène Á travers le pays une campagne de dénonciation et de sensibilisation sur les violences sexuelles. Cette campagne s’intitule «Stop au viol de nos ressources les plus précieuses en donnant le pouvoir aux femmes et aux filles ». Au centre de cette campagne, il y a la pièce de théâtre «les monologues du vagin ». Celle-ci a été jouée dans l’amphithéâtre de l’université de Kinshasa devant un parterre d’étudiants.
Joué par deux actrices connues, Nana Boboto et Justine Makala, la pièce «les monologues du vagin » retrace les souffrances qu’endurent les femmes et les jeunes filles non seulement en temps de guerre mais aussi en temps de paix. De plus, elle démontre comment les hommes font croire aux femmes qu’ils les aiment alors qu’en réalité, ce qu’ils aiment, c’est seulement leur vagin.
«Mon mari m’a rasé de force car il n’aime pas les poils. Il m’a blessée en le faisant. Il y avait du sang qui coulait mais lui était heureux. Quand il s’est accroché Á moi, ses poils me piquaient. J’avais très mal. Pour aimer le vagin, il ne faut pas aimer les poils », cet extrait de la pièce est un exemple des violences conjugales que subissent bien de femmes incapables de dénoncer leur mari de peur d’être mal vues par la société.
«Mon vagin était une prairie et chantait. Mais depuis que les militaires y ont glissé leur fusil et des tessons de bouteilles, mon vagin ne chante plus. Mon vagin a été envahi, humilié et massacré. Je ne veux plus le voir, le toucher. J’habite ailleurs. Je suis démoralisée ». Ceci est un autre exemple des violences sexuelles faites aux femmes en temps de guerre.
A cause de ces violences, les vagins se révoltent: «Mon vagin est en colère. Il faut qu’il parle. Mais on ne supprimera pas le vagin, il reste lÁ où il est », est un autre extrait de cette pièce basée sur des histoires vécues.
D’une durée d’une heure, cette pièce est une interpellation aux hommes Á considérer la femme comme leur égale, leur partenaire et non comme un objet qu’ils peuvent utiliser comme bon leur semble.
Gérard Lukusa, étudiant en première année de licence Á la faculté de droit Á l’université de Kinshasa, qui a suivi avec attention cette pièce de théâtre est en colère: «Le premier sentiment que j’éprouve est celui de la colère quand je pense comment la femme, qui n’a pas demandé Á naitre, souffre. Nous, les hommes, nous faisons souffrir la femme même quand nous prétendons l’aimer. Cette pièce m’a ébranlé et dorénavant, je considérerai toute femme comme je considère ma mère et ma sÅ“ur. J’aurais l’obligation de la protéger. C’est de cette façon qu’on mettra fin aux violences sexuelles ».
Aussi, insiste-t-il, il demandera Á la femme ne pas considérer la sexualité comme un interdit. Selon lui, la femme doit comprendre que la sexualité est un sujet que le couple doit aborder ensemble de temps en temps. Ne pas en parler peut entraîner de graves conséquences alors que la sexualité doit être un sujet normal. «On ne doit pas focaliser sur le terme vagin, qui dans notre culture, est une expression qui gêne et dérange. C’est plutôt le message que nous devons retenir, » ajoute-t-il.
«Personnellement, je n’ai pas été gênée. On est dans un milieu estudiantin et donc entre adultes. Cette pièce m’a appris bien des choses. Les hommes doivent avoir une discipline. Ils ne doivent pas considérer la femme comme un objet de plaisir mais comme une partenaire avec qui compter, » explique, quant Á elle, Gisèle Leta, étudiante en troisième graduat de droit.
Ecrite et mise en scène en 1996 par Eve Ensler, une Américaine victime d’inceste par son père alors qu’elle n’avait que six ans, la pièce «Les monologues du vagin » a fait le tour du monde car elle a été jouée dans 150 pays et la RDC en est le 151eme, explique Esther Ntoto.
Ensler, âgée aujourd’hui de quarante ans, s’est engagée Á dénoncer les violences sexuelles. A travers «les monologues du vagin », elle livre une bataille sans merci contre cette violation flagrante de droits de femmes partout dans le monde.
Blandine Lusimana est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
0 thoughts on “Le théâtre pour sensibiliser sur les violences sexuelles en RDC”
cours de français
Est-ce que c’est possible avoir les contacts des deus actrices qui ont joué la pièce? je voudrais organiser un autre spectacle dans l’est RDC…
Merci!
Marco