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En effet, ce document régional stipule dans son article 27 que «d’ici 2015, les gouvernements doivent disposer de programmes qui reconnaissent le travail des pourvoyeurs de soins et leur offrir des ressources et le soutien pour leur bien-être ».
Cet article montre le souci des pays de la SADC Á considérer ce volet longtemps oublié dans la prise en charge de la lutte contre le Sida. Hélas, nous sommes encore au niveau théorique par rapport Á cette disposition alors qu’il ne reste que six ans pour faire le bilan de l’application du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement.
Sur le terrain, l’application de cette disposition n’est pas encore effective. Par exemple, en RDC, le travail des pourvoyeurs de soins aux patients du VIH/Sida est méconnu. Il ne nourrit pas son homme car il est non-rétribué. Il n’existe aucune politique nationale en la matière, ce qui fait que le travail des pourvoyeurs de soins n’est pas organisé.
Les soins aux personnes vivant avec le VIH/Sida sont davantage dispensés par les Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) elles-mêmes qui se sont organisées en associations ou en organisation non-gouvernementales pour s’entraider. Le cas de Réseau national des organisations d’assise communautaire de groupe de soutien des PVVIH, le Rhnoac, en est une illustration éloquente. Ce réseau milite pour l’amélioration des conditions de vie des PVVIH.
Membre d’une organisation figurant au sein du Rhnoac, Zoé Kabedi est une PVVIH et une pourvoyeuse des soins. Elle pourvoit des soins aux PVVIH grabataires depuis plus de cinq ans et elle en tire énormément de joie, bien qu’en retour, elle ne reçoive aucune aide ou soutien de l’Etat.
Lorsqu’on lui demande pourquoi elle continue Á faire un travail qui ne paie pas, Zoé Kabedi réplique que «Les PVVIH sont rejetées par leur propre famille, surtout quand elles entrent dans la phase terminale de la maladie et qu’elles sont affaiblies par des maladies opportunistes qui les maintiennent alitées. C’est malheureusement au stade où elles ont le plus besoin de secours que leurs familles les abandonnent. C’est pour cette raison que les PVVIH qui ne sont pas encore trop affectées par la maladie ont décidé d’effectuer la prise en charge des malades du Sida en allant de maison en maison pour nous occuper de nos malades. Nous nous sommes organisées en réseau pour nous soutenir car nous savons que nous ne pouvons pas compter sur la communauté, qui très souvent, nous rejette ».
Cette quadragénaire qui vient de se relever d’une maladie opportuniste et qui est encore un peu faible, parle plus spécifiquement des soins qu’elle prodigue. «J’assiste les autres PVVIH impotents. Je leur donne des médicaments si elles en manquent. Je les nourris quand elles n’ont pas de quoi s’alimenter. Je les aide Á vivre dans de bonnes conditions hygiéniques ».
Son travail ne se limite pas seulement aux PVVIH qui ne peuvent quitter leur domicile. Ces héros ou plutôt ces héroÁ¯nes – ce sont davantage des femmes qui font ce travail – s’organisent au sein de leurs réseaux pour se rendre aussi dans les hôpitaux.
«L’assistance que nous apportons concerne toutes les PVVIH. Quand le besoin se fait sentir, nous allons dans les hôpitaux où il ya des malades du Sida et nous les assistons. Mais quand un malade est bien encadré par sa famille, nous n’intervenons pas », fait-elle remarquer.
Le travail de pourvoyeurs de soins est un champ non défriché. Ceux qui Å“uvrent dans ce domaine le font par vocation ou par compassion. Ils n’en tirent aucun gain, si ce n’est de la satisfaction d’avoir pu être utile.
«C’est un apostolat », avoue Zoé Kabedi. Les pourvoyeurs de soins travaillent sans attendre de salaire. Ce sont des femmes de confiance, aimables et capables de supporter les caprices des malades ». Ces braves femmes devraient toutefois selon elle bénéficier d’une forme de motivation.
Zoé Kabedi raconte qu’il lui est arrivé plusieurs fois de marcher de longues distances pour rendre visite Á un malade Á domicile. «Dans bien des cas, je suis obligée de dépenser de ma poche pour acheter de la nourriture pour un malade qui n’a rien mangé alors qu’il est sous traitement antirétroviral ».
La prise des Antirétroviraux (ARV) exige que le malade ait une bonne alimentation. Les PVVIH sont économiquement pauvres et il en va de même pour les pourvoyeurs des soins. «Si je n’ai vraiment rien Á donner Á une PVVIH, je me contente de le réconforter moralement pour qu’il vive positivement sa séropositivité. Je ne peux pas faire l’impossible ».
Adrienne Lusamba, infirmière et superviseur des soins palliatifs au Rhnoac, abonde dans le même sens et relève les énormes difficultés qui entravent le travail de pourvoyeurs de soins. «Nous manquons de tout, » se lamente-t-elle. Ne mâchant pas ses mots, elle ajoute que «nous sommes comme des membres d’une famille pauvre qui dorment et se réveillent chaque jour en espérant la manne venue du ciel. Nous nous débattons avec le souffle que Dieu nous donne pour survivre ».
Pour que le travail des pourvoyeurs de soins soit plus efficace, Zoé Kabedi propose qu’une allocation soit accordée Á ces braves femmes qui sont sorties de la clandestinité pour aider leurs pairs. «De plus, il faudrait nous équiper d’un moyen de transport, de kits alimentaires et hygiéniques. Avoir cela serait un atout dans l’avancement de notre travail », assure-t-elle.
Blandine Lusimana est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Le travail des pourvoyeurs de soins: un apostolat