Les enfants congolais réclament leurs droits


Date: January 1, 1970
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Malgré ce revers du sort, cet orphelin n’a pas perdu espoir en l’avenir. Il pense qu’il sera un jour adopté par une personne de bonne volonté et que cette adoption lui permettra de poursuivre des études supérieures. Il rêve de devenir ingénieur. En attendant cet heureux évènement et pour survivre, Yves exerce un petit emploi. Chaque matin, il se rend à l’arrêt d’autobus pour trouver des places libres dans les véhicules qui s’arrêtent à l’intention de ceux qui en ont besoin, moyennant quelques billets de banque.
        
Sylvie, 16 ans, autre enfant de rues, est loin d’oublier le divorce de ses parents. «Si je suis aujourd’hui dans la rue, c’est à cause de mes parents qui n’ont pas pensé à mon avenir. Ils ont préféré considérer leurs intérêts égoïstes. La seule solution qu’ils ont trouvée pour régler leurs désaccords a été la séparation».
 
Pour avoir de quoi manger et se vêtir, la jeune fille vend son corps. Néanmoins, elle aussi rêve d’un avenir meilleur sous les traits d’un ‘prince charmant’ qui se présenterait à elle et lui proposerait le mariage qu’elle n’entrevoit qu’heureux. «Je ne voudrai jamais que mes enfants endurent les souffrances que j’ai vécues».
        
Cédric, 13 ans, est lui aussi soumis à la loi de la rue. A cause de la pauvreté de ses parents, il a préféré fuir le toit familial pour tenter se débrouiller seul. Il lave des voitures et transporte des marchandises. Cela lui arrive de rentrer chez lui la nuit. Mais ce n’est pas souvent. «Je passe généralement la nuit à la belle étoile et je dors devant les boutiques. Je n’ai plus envie de retrouver ma famille».
        
De tels récits d’enfants abandonnés à leur triste sort sont communs dans la ville de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo (RDC). En dépit des efforts déployés par les autorités congolaises pour améliorer les conditions de vie des enfants congolais, ces derniers sont victimes de divers maux. Ils sont soumis à la discrimination. Ils sont accusés de sorcellerie quand leurs parents décèdent. Ils sont directement ou indirectement affectés par le VIH/SIDA. Ils sont privés de leurs droits à l’héritage, à la santé et à l’éducation, pour ne citer que ceux-là.
 
A ce tableau déjà sombre s’ajoutent les effets dévastateurs des guerres à répétition que le pays a connues. A ce moment-là, les enfants sont victimes d’exploitation économique et sexuelle ou associés aux forces et groupes armés et j’en passe.
 
Ces êtres vulnérables qui souffrent d’un manque d’encadrement de la part de la société, devraient pourtant pouvoir jouir de leurs droits qui leur garantiraient alors un avenir prometteur. Malheureusement, le phénomène d’enfants des rues est devenu presque normal à Kinshasa et n’émeut presque plus personne. On s’accommode de les voir traînasser ça et là et on laisse cette situation pourrir en oubliant ses conséquences néfastes non seulement pour ces enfants mais aussi pour la société.
 
Les médias n’ont pas manqué d’évoquer les ravages causés par ce qu’ils nomment la «kuluna», bande de jeunes gens désœuvrés  qui, munis d’armes blanches, tuent, pillent, volent et violent. Bien souvent, c’est ainsi que finissent ces enfants des rues.
 
Il est heureux que le gouvernement congolais et plus particulièrement le ministre de la Justice, Emmanuel Luzolo Bambi, ait réagi. Ce dernier vient en effet de «déclarer la guerre à ce nouveau type de banditisme».
 
Et la 33ème Journée Mondiale de l’enfant africain, placée sous le thème «Une Afrique digne des enfants: appel pour une action accélérée en vue de leur survie», n’est pas passée sous silence au Congo-Kinshasa. Le thème choisi au niveau national a été «Investir dans les droits de nos enfants pour un avenir radieux au Congo».
 
Les enfants congolais ont saisi cette opportunité pour faire entendre publiquement leurs voix. Ils ont dénoncé les mauvais traitements qu’ils subissent. «Nous sommes recrutés dans les forces et groupes armés.  Nous sommes abandonnés par nos parents et nos responsables à tous les niveaux. Nous sommes exposés  au vagabondage et à la mendicité…». Fatigués d’être laissés ainsi pour compte, ils réclament «l’application de la loi portant protection à l’enfant». 
 
Cette législation qui comprend 202 articles, a été promulguée le 10 janvier 2009 par le président congolais, Joseph Kabila. Le ministre des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité nationale,  Botswali Lengomo, a promis  de tout mettre en œuvre  pour l’application effective de cette loi. «Je vous donne la garantie que nous allons tout faire pour que cette loi soit appliquée par les autorités compétentes. Une fois que l’application de cette loi sera effective, nous aurons un Congo meilleur pour nos enfants».
 
De son coté, la ministre du Genre, de la famille et de l’enfant, Marie-Ange Lukiana, a affirmé que «le gouvernement est conscient et s’engage à investir dans les droits de l’enfant congolais pour qu’il ait un avenir radieux».
 
Ces promesses, qui nous l’espérons ne resteront pas vaines, témoignent de l’engagement de l’Etat à militer pour la promotion, la défense et la protection des droits de l’enfant congolais. L’heure n’est plus donc aux beaux discours, ni aux actions coup d’éclat comme l’ont montré les chaînes de télévision lors de la commémoration de cette 33e Journée Mondiale de l’enfant africain où l’on a pu voir les ministres partager un repas avec les enfants des rues et leur offrir des présents. Même les enfants qui ont commis un délit et qui sont en détention, ont reçu la visite des autorités.
 
Au-delà de ces actions circonstancielles fortement médiatisées, il faut faire mieux et agir vite. Les enfants congolais attendent des autorités qu’ils mettent en place des mécanismes qui pérenniseront l’application de la loi qui doit les protéger. Il  est impérieux d’activer les choses.
 
Que stipule cette loi au juste? Elle garantit à l’enfant le droit de bénéficier de toutes les mesures à caractère administratif, social, judiciaire, éducatif, sanitaire et autres visant à le protéger de toutes formes d’abandon, de négligence, d’exploitation et d’atteinte physique, morale, psychique et sexuelle.
 
Elle prône la participation de l’enfant dans tout ce qui le concerne par des moyens  appropriés et susceptibles de l’aider à acquérir les vertus du travail, de l’initiative et de l’effort personnel. Aussi vise-t-elle à renforcer la responsabilité des parents, de la famille et de l’ensemble de la communauté à l’égard de l’enfant.
 
Dans son article 17, il est dit que «tout enfant a droit à un milieu familial, cadre idéal où ses besoins matériels, moraux et affectifs sont pris en compte pour son épanouissement». Mais hélas, avec la crise que connaît le pays – situation renforcée par la crise économique mondiale -, la famille, noyau de l’éducation de l’enfant, s’est érodée. Les parents ne savent plus comment répondre à leurs obligations envers leurs enfants.
 
«La cassure économique se fait sentir. Il m’arrive parfois de ne pas être en mesure de satisfaire les besoins quotidiens de mes enfants», explique Sara Landu, une mère de famille quinquagénaire. C’est pourquoi, insiste-t-elle, le gouvernement doit se pencher  sur l’augmentation de l’enveloppe salariale des fonctionnaires. Ce sont eux qui payent les pots cassés de la mauvaise gestion observée depuis plusieurs années.
 
L’application des prescrits de la loi portant sur la protection de l’enfant mettra les enfants congolais à pied d’égalité avec leurs homologues du monde qui jouissent pleinement de leurs droits. C’est de cette façon que la RDC sera en mesure de se reconstruire parce-que, investir dans les droits de l’enfant, c’est le gage de la fondation d’une société responsable.
 
 
 
Blandine Lusimana est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
 


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