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Seules ou en groupes de trois ou quatre, elles sillonnent inlassablement les artères, les avenues, transportant qui un plateau, qui un bassin, sur la tête. Ces femmes exercent une profession un peu similaire Á celle des mamans «Bipupula », femmes intermédiaires entre vendeurs et acheteurs dans des transactions commerciales. Ces dernières sont très actives dans des ports, les marchés communaux, ainsi que dans les parkings et autres points de vente des produits agricoles vivriers. Cela pour assurer la survie de leurs ménages, constate Mayenge Bonaventure, un syndicaliste dans une entreprise locale.
«On ne fait pas un pas Á travers cette ville sans les rencontrer! Les femmes aux plateaux sont des mères nourricières ambulantes. Elles prennent en charge beaucoup d’employés démunis ne disposant pas assez de ressources financières », fait observer Pélé Mbumba, propriétaire d’un salon de coiffure.
Un autre observateur renchérit : «Elles avalent de longues distances Á pied, sans s’en rendre compte parfois, rien que pour écouler leurs aliments ».
« Je ne ménage aucun effort. Je défie les intempéries qui me gênent pour écouler mes produits alimentaires comme les chenilles, les bananes plantains, le manioc, les poissons, frits, destinés Á mes clients », témoigne Gertrude Molosa, une vendeuse ambulante.
Les clients potentiels sont des employés de magasins indo-pakistanais, les fonctionnaires, les enfants de rue, les marchands, bref tout le monde », note Marie Kabwanga Mwad, vendeuse ambulante de bananes plantains.
Les femmes aux plateaux dépannent sérieusement les personnes qui n’ont pas assez d’argent pour s’offrir un plat copieux dans un restaurant classique, réservé aux personnes nanties. «Elles nous vendent ces mets Á des prix défiants toute concurrence, soit entre 500 et 2.000 francs congolais, selon la quantité que l’on veut consommer », laisse entendre Mamie Kalekisi, infirmière au sein d’une polyclinique de la place, située au centre ville.
Les femmes aux plateaux sont armées d’un courage exceptionnel. Leur marketing repose sur leur bagout et sur la confiance qu’elles ont réussi Á développer avec les clients.
«Je n’achète pas ma nourriture chez n’importe quelle marchande ambulante.
Néanmoins, je m’attache Á une qui cuisine tellement bien traite tellement bien que j’ai été séduit », déclare Madia-Madia, docker au Port de Beach Ngobila. Ce qu’il craint, c’est le manque d’hygiène dans la préparation et la conservation de ces aliments non-réfrigérés qui sont trimballés Á ciel ouvert une journée durant parfois. «Ils peuvent être porteurs de bien des bactéries », soutient-il.
Kisita Masa, une vendeuse ambulante de yaourt, est fière de son activité. « Mon époux est au chômage depuis cinq ans. Je ne peux faire autrement que de vendre ce produit
laitier pour faire vivre et sauvegarder mon ménage », dit-elle.
L’économie du pays est très sombre. Seuls les produits alimentaires continuent Á être en grande demande. « S’il y a une petite activité commerciale qui tourne convenablement en cette période Á travers la ville, il s’agit bien des produits alimentaires », confirme Mata Koko, avant de faire référence Á l’adage: « Ne dit-on pas qu’un ventre affamé n’a point d’oreille ? ».
Cependant, une partie de l’opinion publique de Kinshasa déplore le fait que les pouvoirs publics ne s’intéressent pas Á la dynamique suscitée par «les femmes Á plateaux ». En effet, l’Etat congolais devrait pourtant les aider Á s’organiser et Á les soutenir pour qu’elles accèdent aux crédits et puissent améliorer leurs services. «Cela a été le cas Á Maurice et le secteur informel a fait un bond économique », raconte un spécialiste congolais en management, qui a fait ses études Á Maurice.
Et pourtant, la RDC a signé le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui stipule dans ses dispositions 15 Á 19, que les Etats membres doivent tout mettre en Å“uvre pour renforcer les capacités économiques des femmes, notamment en leur facilitant l’accès aux crédits, aux contrats publics.
Il serait temps que le ministère congolais du Genre, Famille et enfant se ressaisisse et encadre les femmes aux plateaux afin de les tirer du secteur informel et de les transformer en directrices de Petites et Moyennes Entreprises d’agroalimentaire en vue d’améliorer leur niveau de vie et de faire progresser l’économie du pays.
Constance Tekitila Mafuta est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
0 thoughts on “Les « femmes aux plateaux »: des restaurants ambulants Á Kinshasa”
Elles sont formidables les femmes africaines. Sans leur courage l’Afrique serait en bien plus piteux état qu’elle ne l’est.