Les promesses aux enfants congolais aux oubliettes?


Date: January 29, 2010
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Barthelemy Botswali a été révoqué par une ordonnance présidentielle en raison d’un «comportement indigne qui viole la déontologie des membres du gouvernement », a déclaré Lambert Mende, le ministre des médias et communications.

Mais selon une indiscrétion, le ministre Botswali se serait battu publiquement avec l’un des membres de son parti politique Á  Bandal, une commune mouvementée de la capitale Kinshasa. C’était lors d’une cérémonie d’échanges de vÅ“ux. Malheureusement, celle-ci a tourné en démonstration de force. Quelle honte pour cet homme public congolais qui n’a pu contenir ses émotions!

L’ordonnance présidentielle révoquant Barthélemy Botswali prouve que le président congolais veut mettre de l’ordre dans son sérail et qu’il entend mettre toutes les brebis galeuses hors de la bergerie.

Loin de défendre ce ministre, l’on se souviendra que le 16 juin 2009, Á  l’occasion de la 33ème Journée de l’Enfant africain, ce ministre, qui avait partagé un repas avec les enfants de rues et d’autres enfants abandonnés qu’il avait conviés dans son cabinet de travail, avait fait des promesses Á  ses invités.

Un mémo lui avait même été remis par les enfants qui étaient encadrés par le réseau des éducateurs des enfants et jeunes de la rue (REEJER), document dans lequel les enfants congolais dénonçaient les mauvais traitements auxquels ils sont soumis au quotidien. Barthélémy Bostwali s’était engagé Á  Å“uvrer pour que les droits des enfants soient respectés.

Aujourd’hui, Barthélémy Botswali parti du gouvernement, un autre ministre sera incessamment nommé. Cependant, les observateurs avertis se demandent si son successeur tiendra compte des acquis légués par son prédécesseur, c’est-Á -dire, va-t-il traduire dans les faits les promesses faites aux enfants?

Depuis un certain temps, une mauvaise pratique tend Á  s’enraciner en RDC au niveau de la gestion du pays. Lorsqu’ il y a un remaniement ministériel ou qu’un dirigeant d’une entreprise publique ou parapublique est relevé de ses fonctions, son successeur fait tout simplement table rase de tout ce qui a été fait avant lui. Le principe de la continuité de l’Etat est ainsi mis Á  mal.

De ce fait, au lieu que le pays se mette en orbite sur la voie du développement, il régresse. Voila ce qui justifie dans une certaine mesure le retard de la RDC dans l’application effective de certaines décisions capitales touchant au développement du pays.

Le principe de la continuité de l’Etat devrait animer les autorités congolaises. Dans le cas présent, le nouveau ministre des Affaires sociales et humanitaires est invité Á  respecter les promesses faites aux enfants par son prédécesseur. Autrement, les enfants risquent de ne plus accorder de crédit aux autorités et cela entraînera une crise de confiance.

Les autorités congolaises, quant Á  elles, ne doivent pas promettre monts et merveilles aux enfants congolais au cours de grandes manifestations telles que les journées mondiales ou les fêtes de fin d’année – comme cela a été le cas l’année dernière lorsqu’on a vu les autorités jouer les «Père Noël » pour partager un repas avec les enfants.

Les enfants congolais sont rassasiés de promesses. Ils veulent les voir se concrétiser. Les organisations non-gouvernementales défendant les droits de l’Enfant ont donc du pain sur la planche pour sensibiliser les autorités et faire en sorte qu’elles travaillent dans le sens de l’intérêt suprême de l’enfant. La situation des enfants congolais interpelle les bonnes consciences. Selon une enquête du REEJER, menée en 2006, les enfants congolais sont affectés sur tous les plans.

Au niveau éducatif, indique Denis Mabwa, le responsable de la sensibilisation, de la mobilisation communautaire et du plaidoyer au Reejer, le caractère obligatoire et la gratuité de l’enseignement primaire, consacrés par la Constitution dans son article 43 et par la loi portant protection de l’enfant dans son article 38, ne sont pas appliqués. Tout comme n’est pas appliqué l’article 11 du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui stipule que d’ici 2015, toutes les lois discriminatoires envers les femmes et les petites filles doivent être abrogées.

En matière de santé, lÁ  aussi les enfants congolais sont des victimes. L’enquête démographie et santé de 2007, réalisée par le gouvernement congolais grâce Á  l’appui de ses partenaires, note que le taux de mortalité infantile s’élève Á  62%. Le nombre croissant des enfants en rupture familiale inquiète également. Ce recensement du REEJER révèle que 13 877 enfants de moins de 18 ans vivent dans la rue. Chaque jour qui passe, ce nombre grossit. «Au moins 525 enfants viennent chaque mois gonfler le nombre d’enfants de rues », déclare avec regret Denis Mabwa.

Le REEJER mène déjÁ  Á  travers la ville de Kinshasa une campagne de sensibilisation sur la mise en application des mesures accompagnant la loi portant protection de l’enfant congolais. Des ébauches d’application ont même été proposées au ministre révoqué. «Il ne manquait plus que son aval », déclare Rémy Mafu, le coordonnateur du REEJER.

Selon son cahier des charges, le nouveau ministre, qui sera bientôt nommé, devrait faire la promotion et défendre les droits des enfants congolais. Le temps du blabla est révolu. Il faut des actions efficaces et pérennes car le respect des engagements pris par un gouvernement élève une nation. Le contraire l’abaisse.

Blandine Lusimana est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.


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