Les réseaux sociaux: nouveau terrain de chasse des «prédateurs sexuels »


Date: December 24, 2009
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A Maurice, 30% des foyers uniquement sont équipés d’un ordinateur. Les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou Myspace sont les sites les plus populaires auprès de jeunes Mauriciens. Ils y partagent leurs passe-temps préférés et leurs passions, s’en servent pour garder contact avec leurs amis et leur famille élargie. Mais ces réseaux sociaux leur servent aussi de lieux de rencontre. Certaines d’entre elles ne mènent Á  rien. D’autres sont la base d’amitiés sincères et parfois plus en cas d’affinités.

Toutefois, quelques-unes de ces rencontres tournent au vinaigre. Les jeunes et en particulier les filles, se voient confrontées Á  des propositions indécentes, quand elles ne subissent pas carrément le harcèlement sexuel via le Net. Certaines personnes en sortent traumatisées. Il est toutefois possible de rapporter ce type de cas Á  la police qui est habilitée Á  agir. Mais les plaintes en ce sens sont rares. La majorité des utilisateurs d’Internet préfèrent garder pour eux ces histoires aigres-douces.

«Je me souviens d’un jeune homme qui insistait pour me rencontrer et faire plus amples connaissances », explique Allison, 15 ans. Elle dit avoir rencontré ce jeune homme sur Facebook, le site de socialisation le plus populaire au monde. Cela a commencé de manière assez banale, avec une simple demande de l’accepter comme «ami ». C’est ainsi que fonctionne ce site. Afin de pouvoir parler Á  quelqu’un, il faut qu’il vous ajoute Á  sa liste d’amis.

Toutefois, le site propose Á  chaque utilisateur d’ajouter des amis Á  sa liste. Ce sont des gens que le site recommande Á  partir des affinités de l’utilisateur ou de ceux de ses actuels amis. C’est comme ça qu’Allison a fait la rencontre du jeune homme. Au début tout s’est très bien passé entre eux.

«Au début, il m’a complimentée en me disant que j’étais belle. Ensuite, il s’est mis Á  me dire des choses bizarres comme par exemple que si j’avais quelques années de plus, il sortirait avec moi », explique l’adolescente.

Elle confie qu’au début, elle ne prenait pas au sérieux les avances du jeune homme, âgé d’une vingtaine d’années. Mais progressivement, il est devenu de plus en plus insistant. «Il me disait qu’il voulait que l’on se rencontre. Après, il s’est mis Á  me dire des choses osées. Il m’a expliqué par le menu ce qu’il voulait que l’on fasse ensemble », poursuit-elle.

LÁ  où certaines auraient accepté de jouer le jeu, Allison s’est rebiffée. Et a réagi. «Je ne lui ai plus jamais parlé. Je l’ai effacé de ma liste d’amis. Mais avant de faire cela, je lui ai dis ce que je pensais de sa manière de faire », confie-t-elle.

AnaÁ¯s, 21 ans, et Aurélie, 18 ans, reçoivent elles aussi régulièrement des propositions de rendez-vous de gens qu’elles ne connaissent pas. Passant par les réseaux sociaux, ces inconnus commencent toujours par des compliments, souvent sur les photos qui accompagnent leur profil. «Ils me disent que je suis belle, que je suis canon, que j’ai un joli cul etc. », explique Aurélie.

Elle ne répond pas Á  ces hommes et évite les chats car selon elle, c’est le lieu de prédilection des «prédateurs sexuels ». Pour sa part, AnaÁ¯s a décidé de ne pas laisser des inconnus avoir accès Á  sa page personnelle. Toutefois, sa résolution fait suite Á  plusieurs incidents. «Des gens que je ne connaissais pas s’ajoutaient Á  ma liste d’amis et essayaient de me parler dans les chats, quand ils ne m’envoyaient pas des messages ou des mails de sollicitation de rencontres », explique-t-elle.

AnaÁ¯s se souvient d’un épisode particulièrement traumatisant, vécu il y a quelques mois. «J’ai reçu un coup de téléphone en pleine nuit. Une voix d’homme m’a demandé si j’étais libre pour faire une affaire le lendemain », raconte-t-elle. Sur le coup, elle est choquée et énervée. Elle raccroche le récepteur sans demander son reste. Mais le lendemain, l’homme revient Á  la charge, avec cette fois des messages sur portable.

Il lui prétend qu’il a un contrat de mannequin Á  lui offrir car il sait qu’AnaÁ¯s pose pour des photos de mode et participe aussi Á  des défiles de mode. «Je dois avouer que cela m’a intriguée et que j’ai commencé Á  lui parler pour en savoir plus », continue la jeune femme.

Mais bien vite, l’homme révèle ses intentions qui ne sont pas du tout d’ordre professionnel. «Il voulait que l’on mette tous les deux une robe et que nous fassions des choses obscènes ensemble », confie-t-elle. Pour sa sécurité, AnaÁ¯s décide de changer de numéro de téléphone. Depuis, elle a appris sa leçon: plus question de parler Á  des personnes qu’elle ne connaît pas ou même de répondre Á  des appels provenant de numéros inconnus.

Les jeunes femmes ne sont pas les seules Á  être victimes des «prédateurs sexuels » qui sévissent sur l’Internet. Toutefois, sur la toile comme dans la vie de tous les jours, les hommes sont infiniment moins nombreux que les femmes Á  rapporter ce type d’expériences ou même Á  en parler.

Stéphane, 24 ans, correspond Á  la définition de «prédateur » dont il est question. Et il ne s’en cache pas. «Il m’est souvent arrivé d’envoyer des photos de moi nu Á  des filles. Je l’ai fait avec pas mal de filles rencontrées sur Facebook ou sur des chats », confie le jeune homme.

Ces photos obscènes sont souvent envoyées après seulement quelques messages échangés. «On fait connaissance et après je passe aux choses sérieuses », raconte-t-il. Les «choses sérieuses » dont il fait référence, ce sont des invitations et des propositions de nature sexuelle.

Il met cela sur le compte de la franchise. «Je préfère être franc. Je leur dis de facto ce qui m’intéresse. Cela peut être juste sexuel ou alors on peut se voir pour prendre un verre et faire plus amples connaissances », explique le jeune homme. Il se vante d’ailleurs d’avoir eu plusieurs aventures de cette manière. Mais une des ces aventures ne s’est toutefois pas passée comme il l’avait prévue.

«Lors de chats, tout se passait bien entre Sylvia et moi. Elle avait l’air de vouloir la même chose que moi. D’ailleurs, nous nous sommes rencontrés une fois pour prendre un verre et se connaître mieux », relate Stéphane. Ce qu’il recherche, c’est une aventure avec la jeune femme qui dit être âgée de 22 ans, avant de passer Á  autre chose.

La jeune fille ne voit toutefois pas les choses de la même manière. «Elle a commencé Á  m’appeler tous les jours. A me dire qu’elle était amoureuse de moi, avant même que nous ayons couché ensemble. J’ai préféré lui dire que je ne voulais pas aller plus loin », confie Stéphane.

Cela n’arrêtera toutefois pas la jeune femme qui a continué Á  l’appeler et Á  lui envoyer des messages pendant des semaines. «Au début, elle me demandait juste de la reprendre. Après, elle est devenue insultante et finalement menaçante », raconte-t-il.

A-t-il changé sa manière de faire depuis cet épisode? Pas du tout. «Je continue Á  rencontrer des filles via le Net. Depuis Sylvia, j’essaie de mieux faire le tri des filles avec qui je chat mais je n’ai pas arrêté pour autant mon jeu », affirme-t-il.

A Maurice, il y a un recours en cas de harcèlement sur Internet. En effet, le Computer Misuse and Cyber-Crime Act a été promulgué en 2003 pour protéger les utilisateurs qui surfent sur la toile. La pornographie étant illégale Á  Maurice, s’il était poursuivi, Stéphane aurait été pénalisé pour avoir envoyé Á  des jeunes femmes des photos de lui nu.

«On peut poursuivre un utilisateur pour avoir envoyé des messages ou des images Á  caractère obscène mais pour cela, il faut que la victime vienne de l’avant et fasse une plainte », explique Neil Pillay, un avocat spécialisé en technologies informatiques.

Pour ce qui est des sites eux-mêmes, c’est peine perdue. Leurs défenses sont impénétrables. «Sur tous ces sites ou sur les chats, il existe des désaveux (disclaimer). Ce sont des articles qui disent par exemple, que le site n’est pas responsable du contenu envoyé par les utilisateurs. C’est de cette manière que ceux qui sont Á  la tête de ces réseaux se protègent », explique le juriste.

Ce qui est sur, c’est que le nombre d’utilisateurs d’Internet augmente d’année en année et que le nombre d’abus ne risque pas de diminuer, sauf si les gens sont plus conscients des risques auxquels ils s’exposent en faisant confiance aux inconnus qu’ils rencontrent sur la toile.

Vincent Potage est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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