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Les vendeuses de pains de Kinshasa
De quoi nourrir son Homme!
Par Marcel Mbombo
A Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo (RDC), un nouveau métier a vu le jour ces dernières années. Il s’agit de la vente de pains par les femmes. A la recherche de quoi nourrir les familles, elles parcourent les rues et les avenues de Kinshasa dès quatre heures du matin avec des basins, type de paniers, sur la tête en quête de pains auprès des boulangeries de la ville.
Avec les revenus générés par cette activité qui représentent une moyenne de 150 Á 200 dollars américains, plusieurs d’entre elles font face aux charges ménagères et compensent l’incapacité de leurs maris qui ont été contraints au chômage forcé et aux impayés durant plusieurs mois.
Ainsi, la survie du foyer est assurée, les études des enfants et plusieurs autres charges ménagères financées. D’autres femmes pratiquent ce métier dans l’optique d’être financièrement indépendante de leurs maris. Ces vendeuses informelles constituent un secours dans la vie de plusieurs ménages.
Un responsable d’une boulangerie située dans la Commune de Lingwala explique comment il procède en affaire avec ces femmes. «Ces femmes se présentent au guichet de la boulangerie pour obtenir une «carte » et paient un montant au départ qui constitue en fait une garantie et elles se font payer Á la commission. Ce document constitue en quelque sorte, un ‘contrat informel’ entre elle et le directeur de la boulangerie. A la fin du mois, ce dernier additionne toutes les commandes effectuées durant le mois et calcule le montant de la commission Á verser Á la vendeuse. Ce montant qui diffère d’une boulangerie Á l’autre, varie entre 25 et 30% des ventes. Ces vendeuses gagnent jusqu’Á 200 dollars américains et même plus parfois ».
Thérèse Ngoma, âgée d’une quarantaine d’années et mère des six enfants dont deux filles et quatre garçons, est devenue vendeuse de pains. «Depuis que mon mari a perdu son emploi, la vie dans le foyer était devenue si invivable que je me suis décidée Á vendre du pain. Grâce aux conseils d’une voisine et Á son expérience dans le domaine, j’ai réussi Á obtenir une carte de commande de pains auprès d’une boulangerie et ce, rien qu’avec un capital initial d’environ 10 dollars américains ».
Elle réalise alors qu’elle peut faire de cette activité un métier lui permettant d’assurer la survie des siens. «La solidarité aidant, j’ai pu obtenir l’équivalent de 50 dollars et j’ai eu trois cartes dans trois différentes boulangeries, puis une autre auprès d’une quatrième. Je gagne par mois et par carte entre 85 000 Á 90 000 Francs congolais, soit Á peu près, l’équivalent de 300 Á 350 dollars américains.
Certains trouveraient cette somme insuffisante. Ce n’est pas le cas de Thérèse Ngoma. «Je n’ai pas Á me plaindre. Manger n’est pas un problème. Mes enfants étudient et je fais face Á d’autres charges. D’ailleurs, mon fils aîné a décroché son diplôme d’Etat cette année et sa sÅ“ur cadette a entamé son année de terminale ».
Mais ce métier vital pour plusieurs ménages n’est pas sans risques. Ces femmes sont souvent victimes de viols de la part de certains inciviques. Pour éviter que cela ne leur arrive, ces femmes s’organisent pour être souvent en groupe et certaines vont jusqu’Á se faire accompagner par leurs maris.
Le responsable de la boulangerie susmentionnée est très satisfait du travail de ces vendeuses de pains. «Elles sont nos meilleures clientes. Sans elles, notre production aurait été en baisse. C’est la raison pour laquelle en fin d’année et au cours de certaines occasions, comme par exemple pour la rentrée scolaire, nous leurs offrons des gratifications sous forme de cahiers et de stylos pour leurs enfants, des vivres pour les fêtes de fin d’année, des paniers pour la conservation de leurs pains…. Et nous leur versons régulièrement leurs commissions ».
Il n’y a plus de doute possible: l’homme devrait compter avec la femme pour le développement de leur foyer et de la RDC en général. A Kinshasa en particulier où la tradition veuille que selon laquelle : «mwasi atongaka mboka te », soit «une femme ne peut bâtir un village », ne devrait plus être de mise.
Les femmes ont pris Á bras le corps la lutte contre la pauvreté. En sus de la vente de pains, elles se retrouvent dans les petits commerces et dans les secteurs d’activités les plus divers. Face Á l’incapacité de l’Etat Á pouvoir offrir Á sa population un emploi décent et un salaire minimum garanti, les femmes ont mis en exergue leur esprit d’entreprise et n’épargnent aucun effort pour la survie de leurs familles. La femme Congolaise mérite non seulement l’estime de son mari mais aussi celle de la société toute entière.
Marcel Mbombo est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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