Où sont les femmes dans les institutions congolaises?


Date: March 21, 2010
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Les élections organisées en République du Congo (RDC) en 2006 n’ont pas permis aux femmes de se faire élire en grand nombre et d’être représentées au sein des institutions selon le principe de parité garanti par la Constitution. Et le dernier remaniement ministériel qui a eu lieu en février dernier n’a pas arrangé les choses. Etat des lieux de la présence des femmes au sein des institutions d’Etat en ce mois de mars qui est pourtant celui de la Femme.

Sur papier, Á  commencer par la Constitution de la RDC, document suprême, la Congolaise a les mêmes droits que le Congolais. En effet, dans son préambule, la Constitution consacre la parité homme-femme en ces termes : «Réaffirmant notre adhésion et notre attachement Á  la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Á  la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, aux Conventions des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant et sur les Droits de la Femme, particulièrement Á  l’objectif de la parité de représentation homme-femme au sein des institutions du pays ainsi qu’aux instruments internationaux relatifs Á  la protection et Á  la promotion des droits humains », peut-on lire Á  la page 11.

Et plus loin, Á  l’article 14, elle stipule : «Les pouvoirs publics veillent Á  l’élimination de toute forme de discrimination Á  l’égard de la femme et d’assurer la protection et la promotion de ses droits. Ils prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation. La femme a droit Á  une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en Å“uvre de la parité homme-femme dans les dites institutions. La loi fixe les modalités d’application de ces droits. »

Malgré ces dispositions juridiques, la proportion homme-femme en RDC présente un déséquilibre envers les femmes, qui constituent pourtant, 51% de la population alors qu’elles ne sont présentes qu’Á  30 Á  40% dans l’activité économique, dont environ 80% dans le secteur informel, comprenant l’agriculture et le commerce.
Le gouvernement issu des urnes de l’élection présidentielle de 2006 et dirigé par le Premier ministre Antoine Gizenga était jugé «pléthorique ». Il était constitué de 60 membres : six ministres d’Etat, 34 ministres et 20 vice-ministres. Seules neuf femmes font partie de l’équipe Gizenga dont trois ont été nommées ministres et six vice-ministres. Il n’y avait qu’une femme ministre d’Etat.

Le 19 février dernier, le président Joseph Kabila a remanié le gouvernement. La nouvelle équipe a été ramenée Á  43 membres dont seulement quatre femmes ministres et une vice-ministre.
A l’issue de scrutins indirects, les deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) comptent Á  ce jour 608 parlementaires, dont 500 Á  la chambre basse (Parlement) et 108 Á  la chambre haute (Sénat). De ces statistiques, on relève une très faible représentativité de la gente féminine, soit 8,7% de parlementaires dont 42 Á  l’Assemblée nationale et cinq seulement au Sénat.
Les observateurs s’interrogent sur les causes profondes de cette faible représentativité des femmes dans les institutions du pays, surtout au Parlement? Les avis sont partagés selon que l’on soit parlementaire ou candidate déchue, député de l’alliance de la majorité présidentielle (AMP) ou de l’opposition.

Candidate malheureuse aux élections sénatoriales, une dame qui a requis l’anonymat donne sa lecture des faits : «La plupart des femmes pensent que la politique est un milieu malsain où règnent les trahisons, les mensonges, les coups bas, etc. Elles ne sont donc pas nombreuses Á  afficher leurs ambitions ».
Sénatrice élue de l’opposition, Eve Bazaiba estime que plusieurs femmes ont été flouées, voire découragées par les présidents de leurs partis. Elle a toutefois reconnu qu’il n’existe pas assez de femmes battantes dans les différentes formations politiques. C’est pourquoi elle admet avoir soutenu Á  l’époque la proposition de « liste zébrée et bloquée » (liste qui alterne les noms des candidats hommes et femmes) qui a défrayé la chronique. D’après elle, c’était le seul moyen pour contourner certaines difficultés qu’éprouvent les femmes Á  entrer en politique aujourd’hui. Malheureusement, regrette la sénatrice, cette proposition a été rejetée par le Parlement de l’époque.

Député élue du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), parti au pouvoir, Wivine Moleka est plutôt d’avis que les partis politiques bien implantés ont eux propulsé les femmes en avant. « C’est au niveau des formations politiques naissantes, où les responsables sont encore Á  la recherche de leadership, que les femmes sont reléguées au second plan », affirme-t-elle.
Pour la vice-présidente de la Ligue des Princesses du Congo, Dominique Munongo, également présidente du Centre de Développement pour la Femme (CDF), organisation non-gouvernementale, «les femmes doivent être plus audacieuses et présentes aux prochaines élections ». Jeanine-Gabrielle Ngungu, secrétaire générale de «Cause Commune », un regroupement de sept réseaux et de 23 associations de femmes en RDC, constate «qu’ici, le pouvoir se conçoit au masculin ».

L’article 14 de la Constitution stipule, entre autres, que «la femme a droit Á  une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales ». L’Etat devrait s’engager, dès lors, Á  garantir la mise en Å“uvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions : «Les pouvoirs publics veillent Á  l’élimination de toute forme de discrimination Á  l’égard de la femme et assure la protection et la promotion de ses droits. Ils prennent toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation ».

Mais comment concrétiser cet article? Les députés et sénateurs hommes interrogés Á  cet effet pensent que les femmes ne se sont pas encore approprié cette disposition juridique. «Les femmes ignorent que le pouvoir s’arrache et attendent des cadeaux de la part des hommes », explique un parlementaire.

La faible représentativité des femmes aux deux chambres du Parlement, par exemple, s’explique aussi selon certains observateurs par le taux élevé d’analphabétisme chez les femmes, par le poids des coutumes rétrogrades qui ne leur permet pas d’avancer, par leur pouvoir économique faible et par une crise de confiance en elles et envers les autres femmes.  Toujours est-il que tant que l’Etat se contentera de laisser faire, la situation restera inchangée ou empirera.

Urbain Saka-Saka Sakwe est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 

 


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