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En règle générale, depuis l’essor du BPO il y a cinq ou six ans, la majorité des employés étaient et sont toujours des jeunes âgés de moins de 30 ans. Le nombre d’hommes et de femmes qui y travaillent dépend des firmes et des tâches proposées, par exemple certains centres d’appels emploient plus de femmes alors que dans les centres de «chat », il y a davantage d’hommes. Aux yeux de certaines personnes, ces jeunes mènent une vie dissolue, même si aucun élément, ou presque, ne vient appuyer cette thèse.
Comme les différentes parties qui y sont engagées souhaitent apporter de la valeur ajoutée Á l’externalisation, du personnel qualifié est activement recherché par les firmes. Toutefois, Á cause de la mauvaise réputation véhiculée Á tort par ce secteur, le recrutement tant attendu n’est pas simple.
Traditionnellement réservé aux jeunes sans formation, les firmes qui sont dans l’externalisation reconnaissent qu’elles peinent Á trouver du personnel qualifié pour répondre aux demandes de la clientèle. Et les recruteurs ont du mal Á briser les perceptions erronées.
«On colle de mauvaises étiquettes aux filles. Les gens pensent que nous sommes des filles faciles simplement parce que nous travaillons dans un BPO », confie Noa, une jeune cadre de 25 ans. La firme qui l’emploie depuis trois ans a un pôle “chat” et un pôle “centre d’appel”. Auparavant, Noa a travaillé deux ans dans un autre centre d’appel.
Elle vient récemment d’être promue au rang de responsable du centre d’appel. La jeune femme explique que cela n’a pas toujours été simple de faire accepter son travail par son entourage, surtout lorsqu’elle travaillait la nuit.
La septuagénaire Tara vient confirmer cette fausse perception. «Je ne veux pas que ma petite-fille aille travailler dans un centre d’appel. Ce sont les mauvaises filles qui font ça », confie-t-elle. Sa petite fille, Desika, 20 ans, est actuellement sans emploi. Mais pour la famille, il vaut mieux que la jeune femme reste Á la maison plutôt que de travailler la nuit dans un centre d’appel.
«Le travail de nuit Á toujours été un tabou dans la société mauricienne », explique pour sa part Ben Mootoocurpen, directeur de Heaven Multimedia Telecommunication Portal qui opère dans le secteur de l’externalisation. Il en sait quelque chose car lui même a été employé dans un «chat » avant de lancer sa propre entreprise. «Ces mêmes tabous étaient présents pour l’emploi dans le secteur textile puis dans celui de l’hôtellerie mais ils ont volé en éclats. Petit Á petit, la mentalité évolue », estime-t-il.
Selon lui, les jeunes qui travaillent la nuit dans le secteur de l’externalisation le font par nécessité et pas parce qu’ils sont «mauvais. Ce sont des jeunes qui travaillent la nuit parce que le jour ils étudient. Ils n’ont pas le choix », affirme ce chef d’entreprise. Toutefois, les agissements de certains auraient eu des répercussions sur le secteur en général.
«La première firme ou j’ai été employée était très différente de celle où j’opère aujourd’hui. Il n’y avait presque pas de règlements », confie Noa. Elle raconte que les employés finissaient le travail aux petites heures du matin et étaient ramenés chez eux dans des minibus. Ils profitaient néanmoins des quelques instants entre la fin du travail et le départ des véhicules. «On a souvent surpris des employés enlacés dans un buisson Á la fin des heures de travail. Il y a aussi eu des plaintes de voisins », explique la jeune femme.
D’autres se sont fait surprendre en pleins ébats durant les heures de travail dans les toilettes ou la cuisine. «Il a fallu instaurer des règlements et être plus stricts avec les employés », explique la jeune femme. Sur son lieu de travail actuel, des caméras ont été installées dans la salle commune où sont tous les employés. Les tenues vestimentaires sont aussi règlementées. Pas d’uniformes mais pas de jupe trop courte ou de décolleté trop plongeant non plus.
Noa confie qu’Á cause de certains employés qui ont mal agi dans le passé, leurs mauvais comportements ont, en quelque sorte «déteint » sur le secteur dans son intégralité. Mais, selon cette jeune cadre, la situation s’améliore progressivement avec le temps. Les gens prennent le travail plus au sérieux, que ce soit les employés eux-mêmes ou les observateurs extérieurs.
«Les gens qui pensent que les employés de ce secteur sont de mauvaises personnes ne savent pas réellement ce qui s’y passent. Ils n’ont qu’Á passer une nuit dans un «chat » et ils verront qu’il s’agit d’un véritable lieu de travail », affirme Ben Mootoocurpen. Pour lui, la question ne se pose pas sur la réputation de ses employés. Il est certes conscient du regard de certaines personnes sur ce secteur mais pour lui, c’est une perception erronée qui finira par évoluer. Il est convaincu que dans un avenir proche, des parents comme Tara consentiront Á laisser leurs filles et petites-filles travailler de nuit dans un centre d’appel ou de «chat ». Bel optimisme.
Vincent Potage est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Quand externalisation rime avec mauvaise réputation