RDC : Rendre les chansons de maternelle sensibles au genre


Date: January 1, 1970
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En République Démocratique du Congo (RDC), même les tout-petits fêtent la Journée Internationale de la Femme. Ce jour est marqué par le port de la tenue nationale qu’est le pagne par les filles et les femmes. Mais cette initiative se limite à ce qui est apparent, c’est-à-dire, l’habillement. En effet, alors que la petite fille de la maternelle porte son pagne pour fêter la femme, elle continue de chanter: « …Papa au travail, maman à la cuisine» ou encore «Maman a travaillé à la cuisine, elle est fatiguée. Papa rentre du travail, il est fatigué. Maman, il faut préparer la table pour papa!»
 
Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler des notions du genre, ces paroles paraissent normales et acceptables dans la mesure où c’est l’image véhiculée et acceptée par la société pour l’homme et la femme.
 
Mais doit-on continuer à penser de la sorte et à perpétuer les stéréotypes envers les femmes et les hommes? Valentine Mbala, directrice des études au Lycée Bankazi à Mbanza Ngungu, dit qu’il est temps de mettre un terme à cela.
 
Elle mène une guerre contre ces pratiques qui renforcent les préjugés contre la femme depuis maintenant une dizaine d’années. «Je suis allée voir les instituteurs de la maternelle et du primaire pour leur demander de revoir certaines chansons destinées aux écoliers. Cela n’a pas été facile de les convaincre au début mais avec le temps, ils et elles ont commencé à prendre la pleine mesure du poids de ces paroles sur les enfants».
 
Valentine Mbala ne s’est pas arrêtée au niveau élémentaire. Elle a mené campagne à tous les niveaux éducatifs. Si bien que dans son école, les élèves et certains enseignants l’ont surnommée «maman parité». «Il n’est pas question de nommer comme chef de classe uniquement des garçons et comme responsable de la propreté uniquement des filles. Filles et garçons, sans distinction, doivent diriger et faire le nettoyage», a-t-elle donné comme instruction dans toutes les classes du secondaire.
 
Au début, les garçons s’éclipsaient quand il était question de nettoyer la salle de classe, laissant les filles s’en occuper seules. Mais une révolution s’est ensuite opérée car les filles ont protesté. Et là où on avait une fille comme chef de classe, il y a eu des sanctions prises à l’égard de ceux qui refusaient de l’accepter. Avec pour résultat un changement d’attitudes de la part des garçons et des enseignants hommes.
 
Si à Mbanza Ngungu, Valentine Mbala a su s’engager pour la prise en compte du genre dans le traitement réservé aux filles et aux garçons dans son école, ce n’est pas le cas ailleurs. A Kinshasa, les écoliers de la maternelle continuent à chanter à tue-tête: «Papa au travail, maman à la cuisine pour faire le fufu».  Il s’agit d’un aliment de base confectionné à partir de la farine de manioc.
 
Il est vrai que la femme est appelée à prendre soin de sa famille mais son rôle ne se limite pas qu’à cela. Elle devrait avoir un rôle aussi bien reproductif que productif. Et les enfants devraient le savoir dès le plus jeune âge pour éviter de développer des préjugés et d’autres stéréotypes.
 
Tout le monde en RDC connaît cette vieille chanson en kiswahili qui dit: « … le cerveau de la femme est comparable à celui d’un petit enfant …». Voilà encore un autre cliché à propos de la femme. Mais vu que cette chanson est ancienne, on ne peut blâmer son auteur. Il n’a fait que reproduire ce qu’il a toujours entendu. Les écoliers de la maternelle et du primaire qui la chantent risquent à leur tour de conserver ces clichés dans leurs mémoires pour les reproduire plus tard dans les relations qu’ils développeront avec le sexe opposé.
 
Il est temps d’insérer la dimension genre dans l’enseignement au Congo. Des initiatives ont été prises, des réflexions ont été menées, mais il reste à les appliquer à travers une politique nationale sensible au genre. La Constitution du pays ne prévoit-elle pas de donner les mêmes chances aux hommes et aux femmes? La société congolaise doit se réformer et réagir positivement.
 
Anna Mayimona Ngemba est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte une perspective nouvelle à l’actualité quotidienne.


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