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Représentativité des Congolaises en politique: un changement de mentalités s’impose
Date: January 1, 1970
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«La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions», tel est le contenu de l’article 14 de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC), promulguée en février 2006. En cette même année, les Congolais et Congolaises ont voté leur président et leurs parlementaires. Mais lorsque les urnes ont livré leur verdict, on a vu que les femmes n’émergeaient pas. Elles ne sont représentées qu’à 8% au gouvernement et au Parlement.
En effet, sur un total de 500 députés nationaux, on compte à peine 43 femmes, tandis qu’au Sénat, elles sont dénombrées à six sur un total de 102. La situation n’est guère plus brillante au gouvernement où elles occupent près de 12% des postes. Cela s’explique par le fait que les mentalités n’ont pas beaucoup évolué, contrairement aux avancées dans les textes de loi.
Les femmes n’ont pas reçu l’adhésion populaire pour plusieurs raisons. « Mon choix s’est porté sur un homme car je n’ai pas vu ou entendu de femmes capables de m’impressionner au point de me faire me prononcer en leur faveur. Les femmes n’ont pas toujours l’expérience nécessaire », soutient Charlie Ditalwa, comédien qui a voté pour un homme dans une des circonscriptions de Kinshasa, la capitale.
« Les femmes n’ont qu’à se présenter massivement pour pouvoir être élues en grand nombre. Jusque-là, c’est une minorité de femmes qui s’intéresse à la politique et de ce fait, elles ne peuvent pas aller bien loin. Il ne faut pas incriminer l’homme pour autant», note Georges Mondili, un électeur de Kinshasa.
Le malheur des candidates femmes n’est pas uniquement le fait d’hommes. Mêmes «leurs sœurs» ne leur font pas beaucoup confiance. Francine Umbalo s’explique : «Je n’ai pas voté pour la candidate femme qui s’est présentée parce qu’elle ne m’inspirait pas confiance. Elle n’avait pas du tout les attitudes d’un leader». Evelyne Hagu, elle, apporte un autre éclairage à ce fait : « Cela n’a pas été possible de voter pour une femme. Le parti politique que j’ai choisi n’a présenté que des hommes comme candidats. Donc j’ai voté pour l’un d’eux »
La décision de présenter un candidat ou une candidate se joue au niveau de la hiérarchie des partis politiques où la lutte est très serrée et les discussions âpres. Une candidate malheureuse à l’élection sénatoriale, et qui a requis l’anonymat, reconnait avoir été intimidée par un leader de son parti politique. « Il m’a demandé de me retirer au profit d’un homme car il estimait que je ne faisais pas le poids. Et pourtant, j’ai donné de mon temps, sacrifiant même mon travail pour faire de la politique car je savais que j’ai quelque chose à apporter à la population».
Le cas de cette candidate malheureuse, qui n’est pas la seule d’ailleurs, montre l’une des difficultés que rencontrent les femmes qui aspirent à accéder au pouvoir. Outre le problème de leadership dans le parti politique, les femmes candidates doivent aussi faire face au manque de moyens financiers. « Il était difficile pour les candidates de supporter les frais administratifs pour pouvoir poser leur candidature. En sus de cela, il y a aussi les frais de campagnes, ceux de la prise en charge des témoins dans chaque bureau de vote car, il fallait avoir des personnes sûres pour veiller aux intérêts des candidats» explique Rumbu Kaziang Marie Jacqueline, ancienne sénatrice. En RDC, les pouvoirs publics ne financent aucun parti politique.
Actuellement, Mme Rumbu milite au sein du Réseau des Femmes Africaines Ministres et Parlementaires (REFAMP) et ce, comme trésorière générale. Ce réseau a examiné les causes de la sous-représentativité de la Congolaise dans les instances de décisions en vue de proposer quelques pistes de solutions. Ses membres envisagent de faire un travail de fond à tous les niveaux.
La femme doit devenir plus compétitive sur tous les plans. Cela passe par le renforcement de son pouvoir économique, par l’amélioration de son accès aux médias, par sa formation en leadership. L’ancienne sénatrice Rumbu pense qu’il faut également libérer la femme des corvées ménagères pour qu’elle s’engage plus en politique et dans la communauté.
L’apport de la femme pour le développement de la société est cependant indéniable. « J’ai voté pour une femme lors des législatives de 2006 parce que j’ai toujours cru que la femme peut faire mieux que les hommes qui se sont déjà présentés jusque là », précise Gérard Ngoy, un électeur de Kinshasa.
Mais le cas de Gérard Ngoy est rare. Cette tendance peut toutefois se renverser avec un peu plus de volonté et un gros travail de conscientisation sociale pour obtenir un changement de mentalités de la population.
En sus de sa Constitution en faveur de la parité dans toutes les instances de décision, la RDC a aussi signé le Protocole de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) sur le Genre et le Développement. Ce document demande aux Etats de mettre 50% de femmes dans toutes les instances de décision d’ici 2015. Que se passera-t-il pendant les six prochaines années? Il appartient à chaque parti politique de se secouer et de respecter les engagements qu’il a pris devant l’électorat. S’il appartient à l’Etat d’appliquer les textes juridiques, les médias doivent aussi se faire l’écho de cette noble cause.
Anna Mayimona est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.
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