«Un handicap physique n’empêche pas l’Homme d’être utile Á  sa communauté »


Date: January 1, 1970
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Dans cette optique, elle a ouvert un centre nommé «Gloire de l’Eternel» (Cephge), qui s’occupe de l’encadrement des personnes vivant avec un handicap au quartier Kimbuala, situé dans la commune de Mont-Ngafula, à Kinshasa, capitale de la RDC. C’est à travers cet engagement à l’égard des autres que Julienne Makini Nsundu entend surmonter son handicap.
 
Dans ce centre, les adultes et les enfants qui ont un handicap,  ainsi que des veuves et des orphelins, sont initiés à différentes disciplines, comme par exemple le tricotage, la coupe de tissus et la couture, la récupération de déchets en plastique, la fabrication de produits ménagers et de cosmétiques, notamment la bactérole, pommade pour les cheveux et même celle du vin.

L’apprentissage du braille, écriture à l’usage des aveugles, fait aussi partie du programme d’activités qu’offre le centre «Gloire de l’Eternel» à ses adhérents. En dépit de sa disponibilité et de l’attention qu’elle accorde aux personnes vulnérables, l’initiatrice de ce projet rencontre des difficultés dans la gestion de son centre.
 
Situé dans la banlieue ouest de Kinshasa, «Gloire de l’Eternel» souffre des effets de l’enclavement de son environnement. L’accès au quartier Kimbuala pose problème en raison de l’érosion due à la non-urbanisation. Par temps de pluie, les avenues qui s’y trouvent se transforment en ravins. Ainsi, Matadi, la grande avenue qui mène à ce quartier périphérique de Kinshasa, n’est presque plus fréquentable.  
 
Ensuite, il manque au centre l’équipement nécessaire pour former un plus grand nombre de personnes.  «Nous utilisons une machine à coudre pour dix élèves. Les salles dans lesquelles nous dispensons des cours sont invivables tant elles sont exigües et mal aérées. A la place de tableaux, nous utilisons des morceaux de planches», déclare Adèle Mode, principale animatrice du centre.   
 
Malgré ces difficultés, Julienne Makini Nsundu tient à offrir un encadrement digne de ce nom aux personnes vivant avec un handicap car elle veut à tout prix les valoriser. «Un handicap physique n’empêche pas l’Homme d’être utile à sa communauté», estime l’initiatrice du Cephge.

Elle pense que la lutte pour la valorisation des personnes vivant avec un handicap doit être menée par ces dernières. «Nous pensons que même si nous fonctionnons dans des conditions difficiles, il faut faire un pas pour que nos semblables valides sachent que le handicap physique n’est pas une fatalité».
 
Voulant aller plus loin dans sa vision des choses, Julienne Makini Nsundu, soutenue par d’autres malvoyants, a construit quelques salles de classes supplémentaires en briques de terre cuite et ce, avec les moyens de bord.
 
Les bénéficiaires des cours dispensés par le centre deviennent progressivement capables d’apporter leur contribution aux efforts de transformation sociale. «Ces blouses, par exemple, ont été cousues par Gisèle Ntumba, sourde-muette qui, autrefois, ne valait pas grand-chose aux yeux de la société. Aujourd’hui, la société a de l’estime pour elle», témoigne Adèle Mode.

La principale concernée le reconnaît. «En République Démocratique du Congo, lorsque les gens ont un handicap physique, ils sont complexés car ils sentent que la société les considère comme des vauriens. C’est la raison pour laquelle plusieurs de mes semblables se lancent dans la mendicité», explique Gisièle Ntumba, qui est mère célibataire.
 
Elle ajoute aussi que «lorsque je suis tombée enceinte, toute ma famille s’est acharnée contre moi. Je sentais bien que ce n’était pas dû qu’au seul fait que j’étais enceinte. C’était aussi à cause de mon handicap. Depuis que j’ai été initiée à la couture et que je couds bien, ma famille porte un autre regard sur moi. Elle me sollicite même pour que je couse pour des vêtements pour elle», dit-elle non sans une certaine fierté.
 
Adèle Mode reçoit des félicitations de toutes parts. «Les encouragements à la fondatrice du centre viennent de partout. Ils louent l’œuvre de Juliette Makini Nsundu et indirectement, ces félicitations valorisent les personnes qui vivent avec un handicap».

Grâce à cette initiative de Julienne Makini Nsundu et à l’exemple qu’elle donne aux autres, les personnes bien portantes en RDC ont commencé à changer de regard sur les personnes vivant avec un handicap. Toutefois, cet engagement de l’aveugle est une goutte d’eau dans l’océan car en amont, il y a des failles dans la gestion administrative de l’handicap par l’Etat.
 
Le directeur de la  confédération syndicale des personnes vivant avec un handicap, Jérôme Emango Mango le reconnaît en ces termes : «La loi organique sur  la gestion des personnes vivant avec un handicap en République Démocratique du Congo, loi édictée par l’article 49 de la  Constitution, n’est pas élaborée. De plus,  la Convention Internationale des Personnes vivant avec un Handicap n’a pas été ratifiée par le pays». Ce qui fait que le gouvernement congolais ne s’occupe guère de cette catégorie de personnes, dont la plupart est malheureusement issue de milieux pauvres.
 
Cette catégorie de citoyens ne peut que compter sur les promesses de certaines personnes à mobiliser des partenaires et faire en sorte que des projets privés comme ceux de «Gloire de l’Eternel» puissent continuer. Malgré les obstacles qu’elle rencontre, Julienne Makini Nsundu ne baisse pas les bras pour autant. Au contraire, elle encourage les femmes handicapées à agir: «La femme vivant avec un handicap ne doit pas se considérer inutile. Il y a des personnes valides qui ne font rien dans la société. N’a de valeur dans la société que la personne qui participe à son développement. On peut être physiquement handicapé mais cela ne veut pas dire que notre cerveau est touché…»
 
Clarisse Ekoko est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.          


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