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Dans beaucoup des couples, les femmes vivent un calvaire. Marie Jeanne raconte son histoire: “Cela fait six ans que je suis en couple. C’est toujours moi qui fais tourner mon petit commerce pour la survie de la famille. Mon mari ne me montre jamais ce qu’il gagne Á la fin du mois. Pour lui, l’essentiel, c’est de payer le loyer mensuel, c’est-Á -dire, l’équivalent de 50 dollars américains pour une petite pièce. Le reste n’est pas son affaire. Ainsi, je me pose souvent la question: n’est-ce pas lÁ une autre forme de violence, en sus de celle que je subis déjÁ parfois? En effet, lorsque mes ventes de la journée ne m’ont pas permis d’acheter de quoi nourrir les miens, il me bat lorsqu’il rentre du travail ».
Marie-Jeanne est donc obligée de pourvoir Á tout, que ce soit payer les frais de scolarité des deux enfants, leurs vêtements et autres soins médicaux, de même que les autres charges du foyer. «J’ai donc une obligation de vendre Á tout prix pour pouvoir assumer mes responsabilités. J’en ai marre », dit-elle découragée.
Berthe, sa voisine, déclare que son époux rentre ivre presque tous les jours Á la maison et que pour des peccadilles, il la bat comme du plâtre. Elle a bien tenté de retourner chez ses parents pour que son mari comprenne qu’il ne peut plus la traiter ainsi. Mais ses proches la renvoient systématiquement Á son mari sous prétexte qu’ils ont perçu la dot. Berthe pense qu’elle est tout simplement «esclave » des biens et de l’argent remis Á sa famille lors de son mariage. Ainsi, elle est obligée d’endurer toutes les souffrances au sein de son ménage.
Maguy est une femme d’une quarantaine d’années. Elle est mariée Á un haut cadre d’une entreprise du pays. Elle raconte que son mari l’a abandonnée pour une autre femme. Dans le langage courant en République Démocratique du Congo, on parle de «deuxième bureau ». “Mon mari ne veut plus de moi. Il ne dort plus Á la maison. Lorsqu’il y vient, c’est pour voir ses cinq enfants. Il achète les provisions, paie les frais de scolarité, l’électricité et les autres charges de la maison. Bien que je sois son épouse officielle et que j’aurais pu faire valoir mes droits en Cour, j’ai peur de le faire car mon mari est très influent. Il fait partie du plus grand parti politique du pays. Si je saisis la Cour, l’affaire tombera dans le domaine public et cela pourrait avoir des répercussions sur sa position d’homme politique et sur son emploi. Pour ne pas subir les pots cassés, je dois prendre mon mal en patience et tout supporter.”
Maguy est pourtant une intellectuelle. Elle travaille dans une entreprise publique. Il existe pourtant des organisations féminines qui s’occupent des veuves et des orphelins, des filles mères, des personnes vivant avec un handicap, des personnes vivant avec le virus. Tout comme il y a des associations de magistrates, de femmes médecins, de femmes journalistes, de cultivatrices. Mais hélas, les divorcées, les délaissées et les femmes battues n’ont pas encore pensé Á se regrouper pour défendre leurs droits.
Cependant, des organisations non-gouvernementales et d’autres associations prennent en charge les victimes de violences sexuelles. C’est le cas de “AMO CONGO” et de “BA MAMA TELEMA ” qui signifie en français «Debout les Mamans ».
Néanmoins, l’association des magistrates du Congo, l’AFEMAC, essaie d’accompagner les victimes des violences. Et ce, Á travers des conseils et des directives Á suivre pour saisir la justice.
A la question de savoir si l’association n’est pas sollicitée par les femmes battues ou abandonnées par leurs maris, Mamy Mutombo, présidente de l’AFEMAC affirme que la Congolaise reste très attachée Á la coutume et Á la tradition. «Ces femmes se plaignent, certes, mais ne veulent pas dénoncer leur époux violent Á haute voix, sous prétexte d’être mal vues par la société et de rester seule Á vie ».
Pour sa part, Florence Munsala, la conseillère chargée du genre au cabinet du Premier ministre souligne qu’en RDC, les lois sont votées et promulguées mais ne sont pas suivies de mesures d’accompagnement ou d’application. Elle pense que cette situation nécessite une forte sensibilisation pour une prise de conscience de la Congolaise, surtout celle qui reste au foyer car c’est cette catégorie de femmes qui subit davantage la violence domestique.
Ce n’est donc pas demain la veille que l’on viendra Á bout de la violence domestique en RDC.
Cathy Lisongo est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Violence domestique en RDC : on n’est pas prêt d’en voir la fin